Mesdames les représentantes de Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élu·e·s,
Chère famille de Neyman, Dominique et Sylvie* Dominique de Neyman et Sylvie Leroy.,
Mesdames et Messieurs les représentants de la mémoire de la Résistance et de la Déportation et des associations d’Anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les représentants des partis et des syndicats,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Chers camarades,
Chers amis,
Nous sommes réunis à nouveau, en cette année 2025, pour commémorer le 81e anniversaire de l’exécution de Jean de NEYMAN, fusillé par les forces d’occupation nazies le 2 septembre 1944, au moment où la France était en train d’être libérée.
Honorer aujourd’hui la mémoire toujours vivante de Jean de Neyman, pour nous ici comme dans beaucoup de lieux de résistance en France, est indispensable pour appréhender le monde tel que nous le vivons. Cette mémoire est un combat pour lutter contre l’oubli et nourrir une promesse collective... plus jamais la guerre !
Cet hommage est aussi un moment pour faire connaître aux nouvelles générations ce passé, à travers l’engagement des femmes et des hommes qui au mépris du danger ont résisté à l’occupant nazi et au régime complice de Vichy, ces résistant·e·s, qui alors que la répression était impitoyable, n’ont cessé de croire à la victoire contre la barbarie nazie et d’espérer en un monde plus juste.
De l’invasion de la Pologne le 1er septembre 1939 à la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945, puis du Japon le 2 septembre, c’est près de 50 millions de personnes qui sont mortes pendant cette guerre mondiale, un désastre humain, économique et social sans égal.
Conséquences, faut-il le rappeler, de renoncements successifs face à la volonté d’hégémonie de Hitler et de ses partenaires de l’Axe, qui ont conduit les gouvernements français, britanniques et polonais à refuser tout accord militaire avec l’U.R.S.S., et à lâchement abandonner la Tchécoslovaquie lors des accords de Munich, les accords de la honte qui allaient précipiter l’Europe dans la guerre.
Ensuite, les événements s’enchaînent de manière tragique et voient la France après la « drôle de guerre » être envahie en quelques semaines, entraînant l’exode puis l’armistice signé par le gouvernement Pétain dans des conditions humiliantes, laissant la population et les soldats dans le plus grand désarroi. Suivront la fin de la République en juillet, avec les pleins pouvoirs accordés à Pétain, auxquels seuls 80 courageux députés s’opposeront, les députés communistes étant pour la plupart emprisonnés en Algérie après l’interdiction du Parti communiste survenue sous prétexte du pacte germano-soviétique.
Dernier pas dans le déshonneur et l’indignité, la poignée de main du 24 octobre entre Pétain et Hitler à Montoire qui scelle le début officiel de la collaboration avec l’Allemagne nazie, car la collaboration est déjà active dans les faits puisque le premier statut des Juifs a vu le jour peu de temps auparavant, et que des milliers de militants ouvriers ont été arrêtés début octobre pour être internés dans des camps.
Dans cette France trahie laissant un peuple abandonné, des femmes et des hommes refusent cependant la défaite, peu nombreux, mais convaincus, ils s’attellent à cette tâche immense de construire la résistance avec l’espoir insensé, au plus sombre de la nuit, de chasser l’envahisseur et d’anéantir le nazisme.
Jean de Neyman fait partie de ces premiers résistants, lui qui sera le dernier fusillé de la Loire-Inférieure*Loire-Atlantique aujourd’hui. et un des derniers de France.
Un aperçu de sa courte vie est, je crois, nécessaire pour connaître l’homme, son parcours, et comprendre le résistant.
Né le 2 août 1914 dans une famille polonaise aisée immigrée au début du 20e siècle ; Jean, son frère André et sa sœur jumelle Marie reçoivent de leurs parents une éducation basée sur la culture, la philosophie, le respect des valeurs de la République, le respect de l’autre.
Le charisme et le rayonnement de Jean sont en cela un héritage de sa famille ; famille qui a beaucoup souffert du nazisme. Deux de ses tantes seront fusillées et son oncle refusera de serrer la main à la délégation allemande en visite diplomatique, son père et sa mère seront décorés de la « Polonia Restituta*L’ordre Polonia Restituta (en polonais : Order Odrodzenia Polski, signifiant en français « ordre de la Renaissance de la Pologne ») est la seconde plus haute décoration civile polonaise, après l’ordre de l’Aigle blanc. (Source Wikipedia). » pour leurs activités en faveur d’enfants polonais immigrés.
Étudiant en 1934 à la faculté de Strasbourg, il adhère au P.C.F. et soutient les antinazis allemands sur lesquels s’abat la répression avec le début des camps de concentration.
Après la débâcle de 1940, Jean est démobilisé. Professeur de physique, il est radié de l’enseignement en raison d’une Loi de Vichy interdisant la Fonction publique aux Français d’origine étrangère. Il devient professeur au cours secondaire privé « Le Cid » à La Baule. Il mène dès lors une intense propagande anti-allemande dans les milieux qu’il fréquente puis réussit à entrer en contact avec les résistants communistes nazairiens.
Jean entre, en 1944, dans la clandestinité, où avec son groupe de F.T.P.*Les Francs-tireurs et partisans français (F.T.P.F.), également appelés Francs-tireurs et partisans (F.T.P.), est le nom du mouvement de résistance intérieure française créé à la fin de 1941 et officiellement fondé en 1942 par la direction du Parti communiste français. (Source Wikipedia). il opère des actions de guérilla contre l’ennemi, et fournit de l’aide à des soldats allemands déserteurs. C’est pour sauver l’un d’eux et des membres de son groupe qu’il est arrêté, condamné à mort et fusillé au château d’Heinlex le 2 septembre, il y a 81 ans aujourd’hui.
Dans sa dernière lettre, Jean de Neyman résume sa vision de la situation en ces mots, je cite : « Je m’en vais donc disparaître dans les meilleures conditions possibles … après avoir eu la chance de voir le sinistre tableau de 1939 remplacé par les claires perspectives de 1944, et la nouvelle chance que ma condamnation me donne le droit de penser que je n’y suis pas complètement étranger - après avoir dégusté l’amusante et flatteuse ironie du sort qui me fait l’un des derniers fusillés français de cette guerre … je vous écris la conclusion de ma vie : tout le bonheur de l’homme tient dans ce devoir Agir et espérer ».
Ces derniers mots ne résument-ils pas ce qu’a été la Résistance. Depuis l’appel du Général de Gaulle le 18 juin 1940 depuis Londres affirmant « quoiqu’il arrive, la Flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas », celui de Charles Tillon, membre de la direction du P.C.F. et futur fondateur des F.T.P., la veille à Gradignan, près de Bordeaux : « peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans, intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l’action », jusqu’à la libération complète du pays le 11 mai 1945 après la reddition officielle de la poche de Saint-Nazaire à Bouvron, ce sont presque cinq années de résistance sous des formes multiples et variées, résistance à la fois populaire et diverse rassemblant gaullistes, communistes, socialistes, démocrates et républicains, « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ».
Les résistants ont pris une part essentielle à ce combat pour la liberté et la dignité humaine, au combat pour abattre le nazisme et son idéologie criminelle, au prix de sacrifices sans nom : fusillés comme les 50 Otages à Châteaubriant, Nantes, le Mont-Valérien ou ceux de l’Affiche rouge les F.T.P.-M.O I. - « vingt et trois étrangers et nos frères pourtant »*Extrait d’un poème de Louis Aragon, chanté, entre autres, par Léo Ferré, sur les Résistants Mélinée et Missak Manouchian. -, comme les Républicains espagnols, ou bien exécutés sommairement, massacrés, morts sous la torture, déportés et tués par milliers - femmes et hommes - dans les camps de la mort nazis, camps d’extermination de millions de Juifs, Slaves, communistes, syndicalistes, Tziganes, homosexuels.
Lorsqu’il parle de « claires perspectives », Jean de Neyman fait-il référence au programme du Conseil National de la Résistance adopté le 15 mars 1944 et diffusé sous le titre « Les jours heureux » ?
Ce programme portera à la Libération des progrès démocratiques, économiques et sociaux sans précédent pour les travailleurs : droit de vote des femmes, création de la Sécurité sociale et du régime général des retraites, des comités d’entreprise, du statut des fonctionnaires, de la médecine du travail, nationalisation de secteurs-clés de l’économie, dont l’énergie avec E.D.F./G.D.F., liberté et indépendance de la presse.
Les décennies ont passé et nous assistons maintenant au retour de l’extrême-droite qui progresse dangereusement dans les consciences et pénètre en force à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons l’accepter !
Tout comme dans la décennie d’avant-guerre, la crise du système capitaliste génère son flot de peurs et de divisions des peuples aux quatre coins du globe.
Tout comme à cette époque, les réseaux racistes, fascistes, s’organisent en coulisses et alimentent des partis haineux, eux-mêmes légitimés par des politiques lâches, perfusés au libéralisme et déconnectés des aspirations populaires.
Des États-Unis à l’Angleterre en passant par la Hongrie, l’Italie, l’Allemagne, partout, se lèvent des relents fascistes dignes des années 30.
Pour être factuel et ne pas céder au complotisme, en France par exemple, le 10 mai dernier la Préfecture de Paris a autorisé le défilé de 1000 fascistes cagoulés et drapeaux dehors à l’appel du Comité du 9 Mai.
L’Humanité a révélé l’entreprise de financement de l’extrême droite montée par Pierre Édouard Stérin et son projet Périclès qui finance d’un côté des micros partis, forme des futurs candidat·e·s et met la main sur des manifestations culturelles via son fond du commun.
À Moulins, le spectacle « Murmures de la Cité » a fait son effet ! Sous couvert de couvrir l’histoire de France de Vercingétorix à nos jours, celui-ci a simplement zappé la Révolution Française, mais ne s’est pas exonéré de projeter des symboles nazis sur les murs de la Cité.
Ça, c’était début juillet, depuis, jour après jour le tableau s’alourdit.
Aux universités du MÉDEF, le président Patrick Martin déclare à propos de la séquence politique et du vote de confiance provoqué par François BAYROU : « Attal, Retailleau et Bardella sont les plus conscients des périls économiques. »
En son temps, le patronat prônait : « plutôt Hitler que le Front Populaire ».
Pas plus tard que cette semaine, l’ex-président Nicolas SARKOZY, partant du postulat que le R.N. ferait partie de l’axe républicain, plaide pour une dissolution estimant que le parti d’extrême droite pourrait obtenir une majorité.
Tous ces signaux, qui ne sont plus des signaux faibles dans un contexte international des plus tendus doivent nous faire réfléchir collectivement.
Si Jean et ses camarades sont devenus des héros de leur temps, n’auraient-ils pas préféré une vie heureuse, une vie de paix ?
Le peuple Français n’est pas plus raciste ou fasciste qu’un autre. Ce sont, comme dans les années trente, des forces de l’argent et des forces politiques qui alimentent ces divisions dans le seul intérêt de défendre le capital et l’accaparement des richesses par une minorité, quoiqu’il en coûte.
Notre devoir, aujourd’hui, est de donner à voir que d’autres chemins sont non seulement possibles mais nécessaires pour anesthésier ces discours de haines et promouvoir plus que jamais la paix des peuples ici comme partout dans le monde.
Résister aujourd’hui, c’est agir et dénoncer comme l’ont fait nos camarades du Parti Communiste du Var face au Maire de Saint-Raphaël qui érige dans sa ville une stèle en hommage aux victimes du communisme tout en faisant déboulonner la stèle rendant hommage à Landini, résistant communiste.
La mémoire de nos héros nous oblige plus que jamais à être vigilants et exigeants, car les portes d’entrée du fascisme sont nombreuses et les fenêtres grandes ouvertes.
Et si besoin en était, je terminerais par une citation de notre camarade lan Brossat : « les seules victimes du communisme en France ce sont les nazis et les collabos » et j’ajouterai « et nous en sommes fiers au regard de nos camarades victimes de cette barbarie tout comme Jean ici même le 2 septembre 1944 ».
Nous n’oublierons pas, nous ne lâcherons rien !
Merci