Cédric TURCAS
Secrétaire Général du P.C.F. de Saint-Nazaire
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le représentant de Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les membres de la famille de Jean
Messieurs les présidents de Buchenwald-dora 44 et de l’UNC de Saint-Nazaire
Messieurs les porte-drapeaux,
Chers camarades,
Chers amis,
Nous sommes réunis à nouveau, en cette année 2023, pour commémorer le 79e anniversaire de l’exécution de Jean de Neyman, fusillé par les forces d’occupation nazies le 2 septembre 1944, au moment où la France était en train d’être libérée.
Honorer aujourd’hui la mémoire toujours vivante de Jean de Neyman ne répond pas seulement à un devoir que nous avons vis-à-vis du passé.
Cet hommage est aussi un moment pour faire connaître aux nouvelles générations ce passé, à travers l’engagement des femmes et des hommes qui au mépris du danger ont résisté à l’occupant nazi et au régime complice de Vichy, ces résistants qui alors que la répression était impitoyable n’ont cessé de croire à la victoire contre la barbarie nazie et d’espérer en un monde plus juste. Ce moment doit contribuer aussi à combattre les idéologies fascistes, porteuses, sous des formes renouvelées de haine et d’exclusion de l’autre, de racisme et d’antisémitisme, de xénophobie.
Notre devoir de militant.es aujourd’hui est de nous saisir de ces savoirs, ces ressources, pour en témoigner, pérenniser leur connaissance les faire vivre au présent.
Il nous faut les contextualiser pour que l’espoir et la confiance en l’avenir, en l’humanité, annihile la résignation et le repli, réflexes humains qui perpétuent la subordination des masses au profit d’une caste qui se nourrit d’un système capitaliste de plus en plus oppressant.
Jean de Neyman naît à Paris le 2 août 1914 dans le 7ème arrondissement, de parents immigrés polonais arrivés en France au début du 20e siècle.
Une famille plutôt aisée où la culture et la philosophie font partie des valeurs et de l’éducation autant que le respect.
Jean n’attendra pas la guerre pour faire valoir et défendre ses valeurs.
Dès 1934 à Strasbourg il s’engage au Parti Communiste Français. Il rédigera et diffusera avec ses camarades « Le Prolo de la Brûche », journal de propagande local, outil indispensable à la bataille des idées en cette période.
En 1939 il prendra des responsabilités dans la toute jeune Union Étudiante Communiste créée au cours de l’année scolaire 1938-1939, organisation autonome affiliée à la Fédération des Jeunesses Communistes.
Mobilisé en 1939 par l’armée française, il est affecté dans un laboratoire parisien où il vérifie la nourriture pour l’armée.
Démobilisé en 1940 en raison d’une loi de Vichy interdisant la fonction publique aux Français d’origine étrangère, Jean de Neyman dut quitter l’enseignement public et entra alors comme professeur au cours secondaire privé « Le Cid » à La Baule.
Arrivé en Loire-Inférieure, il commencera à y mener une propagande intense contre les occupants dans les milieux qu’il fréquente puis deviendra par la suite un des organisateurs de la résistance dans la Région.
Après avoir notamment aidé à fuir, puis à faire libérer deux résistants ayant tirés sur des soldats Allemands, il entre dans la clandestinité en mai 1944 et constitue un groupe qui résidera dans la ferme de Joseph Gergaug à Kermichel à Saint-Molf.
En juin 1944, à la faveur des lourdes défaites allemandes sur le front soviétique et du débarquement allié, les actions du groupe, nourries par l’espoir d’une victoire possible, se multiplient.
Du sabotage d’ouvrages militaires, aux coupures de câbles électriques et téléphoniques en passant par la guérilla, la destruction et le désamorçage de mine, l’activité du groupe s’intensifie chaque jour.
Le 17 août, deux de ses camarades marins sont surpris à proximité de la ferme par une patrouille allemande.
C’est en discutant pour tenter de libérer l’un d’eux que Jean sera arrêter.
Les deux hommes seront amenés ici même, au château d’Heinlex.
Jean réussira à innocenter ses camarades de lutte en prenant sur lui toutes les responsabilités.
Il est condamné à mort le 25 août 1944, il se défendra seul et impressionnera les allemands avant de signer son pourvoi auprès de l’officier allemand commandant la place de Saint-Nazaire.
Le pourvoi rejeté, il sera fusillé par les Nazis le 2 septembre 1944, il y a 79 ans jour pour jour.
Jean écrivit une lettre à ses parents dont je vais vous livrer l’extrait suivant.
« Parmi tous les risques, j’ai l’intention de prendre mes responsabilités aussi clairement que ma conscience m’en donnera les moyens. Je voudrais que vous – (ceux qui survivront) – sachiez vous consoler de ma perte, car je me considère comme un élément, un petit chaînon dans l’évolution de notre monde, et puisque nous sommes dans la période du gros travail, et qu’il doit y avoir d’innombrables chaînons de brisés et d’usés, peu importe au total qu’ils le soient de façon rationnelle, individuelle… »
Quelle leçon nous apporte Jean dans cette lettre empreinte d’une conscience collective, d’une conscience républicaine au combien supérieure à sa propre existence.
Comment ne pas y voir la somme des êtres résistants qui ont eu à faire ces choix éclairés au risque de leur vie pour que nous puissions vivre libre, vivre en paix ?
Comment ne pas y voir une sommation à diffuser aujourd’hui ces valeurs dans toute notre société, à l’heure où les derniers témoins vivants de cette époque nous quittent peu à peu ?
Je pense notamment à Odette Nilès qui nous a quitté cette année et à qui nous rendrons un hommage appuyé lors des commémorations du 22 octobre prochain à Châteaubriant.
À mesure qu’ils nous quittent, nous sentons cette menace qu’une autre guerre est possible, demain peut-être ou un peu plus tard… mais notre pays, fracturé sur l’autel du libéralisme serait-il encore capable de faire corps ?
Comment pouvons-nous encore supporter aujourd’hui un tel déballement de haine, de discrimination, de racisme dans notre société.
Chaque jour qui passe instaure une banalisation de l’extrême-droite et toute l’actualité se focalise sur le rejet d’une communauté, d’une religion, d’un genre ou d’une orientation sexuelle.
Chaque jour qui passe voit dans le même temps se creuser des fossés demain insurmontables, celui des inégalités mais aussi celui entre le peuple et ses représentant.es, entre le peuple et sa police, sa justice.
Chaque jour qui passe, nous montre combien la paix est précieuse quand les conflits s’intensifient en Afrique comme en Ukraine sur fond d’impérialisme et de colonialisme que l’on croyait avoir naïvement dépassé.
À mesure que ces témoins nous quittent nous avons le sentiment aujourd’hui d’être au chevet d’une paix mourante, victime d’une société capitaliste qui vampirise l’humain et ses valeurs profondes.
Alors mes camarades, nous devons nous saisir de chaque occasion pour témoigner et résister à notre tour.
Cette résistance faite de femmes et d’hommes qui au milieu de tous ces malheurs, ont su s’organiser, fédérer, réfléchir, s’élever pour que vive la paix, la liberté.
Nous aurons l’occasion de le faire à chaque hommage, à commencer par les commémorations du 22 octobre prochain à Châteaubriant, mais également à l’occasion de la Pantéhonisation de Missak Manouchian qui aura lieu le 21 février 2024.
Disons-le de suite, nous ne sommes pas dupes de la récupération politique opérée à l’occasion par le président de la République, tout comme l’un de ses prédécesseurs l’avait fait avec Guy Môquet.
Et que dire du sort réservé à Mélinée Manouchian qui a défaut d’être Panthéonisée, accompagnera simplement son Mari au Panthéon.
Oui vous l’avez bien compris, en 2023 encore le rôle des femmes, de Mélinée en particulier est encore piétiné par un patriarcat institutionnel.
Je vous invite à lire la biographie de Mélinée et le rôle essentiel qu’elle à jouer dans la MOI entre autres pour comprendre qu’elle était elle aussi un chaînon tout aussi indispensable du groupe et surtout la dactylographe qui nous permet de pouvoir transmettre ces savoirs et mémoires aujourd’hui.
Pour autant nous auront à cœur de saluer et de faire connaître, à une époque où certains s’interrogent sur « l’identité française », l’engagement de ces « étrangers » , dont beaucoup avaient fui les pogroms antisémites en Europe.
De saluer aussi le travail du Sénateur communiste Pierre Ouzoulias, qui se bat depuis de nombreuses années pour la reconnaissance institutionnelle du Héro de l’affiche rouge.
Enfin et j’en terminerai là-dessus, nous avons un an tout.es et tous ici présent.es pour faire du 80e hommage à Jean de Neyman un temps fort de la vie nazairienne et au-delà en prenant toutes les initiatives possibles pour en faire un évènement singulier au service du savoir et de la culture de la résistance contre toutes les discriminations et pour une société de demain plus libre et en paix.
Merci