Collectif Jean de Neyman
La Résistance en mémoire

Site de recherches sur la vie de Jean de Neyman, Résistant, fusillé le 2 septembre 1944 à Saint-Nazaire (Heinlex) en Loire-Inférieure (Loire-Atlantique aujourd’hui) - France.

À propos du fermier Gergaud
Article mis en ligne le 6 janvier 2025
dernière modification le 9 janvier 2025

par Patrice

Martine SABEL (née GERGAUD) est la petite-fille de Joseph GERGAUD, le fermier de Saint-Molf qui a accueilli Jean de Neyman avant d’être arrêté et fusillé par les nazis en septembre 1944. La constitution du Collectif Jean de Neyman et la création de son site internet lui a permis de nous trouver.

EN COURS DE RÉDACTION

Histoire de l’entretien

Il a été réalisé dans les locaux annexes de la mairie de Saint-Nazaire (44) le 5 septembre 2024.

Martine et Dominique
lors de l’entretien.
© Photo P.M. - 20240905-9754.

Si un plan d’interview a bien été préparé, celui-ci a été vite dépassé par l’envie de communiquer ! Nous vous laissons lire l’intégralité de cet entretien si vous le désirez. Il porte globalement sur :

  • La Résistance en Poche de Saint-Nazaire.
  • Joseph GERGAUD

  • Présents : Martine GERGAUD-SABEL, Dominique SABEL [1], Serge ANONE [2] avec Patrice MOREL.
  • Remerciements à : Catherine MOREL pour les corrections et les recherches généalogiques.

En résumé, concernant Jean de NEYMAN

Ceci n’étant pas un témoignage direct, nous obtenons quelques informations confortant en majeure partie ce que nous connaissons. D’autres, comme les lien s de parenté entre Jean LEGUEN et Joseph GERGAUD sont découverts.
Bernard CABASSON et Jean MERCY venait à la ferme après la guerre rendre visite à Joseph. Marie de NEYMAN entretenait aussi la relation entre elle et la famille.
L’iconographie donnée et prêtée permet d’alimenter un peu plus la baque d’images.

La bande son

Non disponible
Durée : 1:27:58

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Avertissements sur la transcription :

  • Seul le prononcé fait foi.
  • [...] signifie qu’une coupure a été faite dans le texte. Cette coupure n’est aucunement liées à l’histoire, mais a une ambiance ponctuelle. Le texte complet a été donné aux protagonistes.
  • Hormis les [...] les mots ou noms entre crochets ont été reproduit phonétiquement.
  • Il se peut qu’il subsiste des coquilles ou fautes. Ne pas hésiter à me le signaler.

Transcription

Patrice MOREL : Nous sommes le 5 septembre 2024. Nous allons enregistrer la conversation. Tout le monde est d’accord ? Il n’y a pas de problèmes ? Aucun pour tous.
Serge ANONE : Nous allons d’abord vous resituer par rapport à Joseph GERGAUD.
Martine GERGAUD-SABEL : Je suis sa petite fille et mon père est le fils aîné de Joseph GERGAUD.
S.A. : Donc Joseph GERGAUD est votre grand-père. Il avait combien d’enfants ?
M.G-S. : Trois garçons qui s’appellent Marcel, qui est né le 31 décembre 1933 ; Joseph qui est né le 27 octobre 1939 et Michel qui est né le 14 septembre 1943.
S.A. : Il était marié votre grand-père ?
M.G.S. : Oui, avec Rosalie GUIBERT.
S.A. : La date de naissance de Joseph GERGAUD est ?
M.G-S. : 05 mars 1909 [3] à Herbignac.
S.A. : Donc Marcel GERGAUD a trois enfants et vous êtes la fille de l’aîné : Marcel.
M.G-S. : L’aînée aussi de Marcel GERGAUD.
S.A. : Je vous explique un petit peu : les archives de La Baule ont été retrouvées jusqu’en 42 et juste après. Pour le coup, il [4] est inscrit sur une liste d’enseignants pour une autre école à Nantes. « Le Cid » dans laquelle il enseignait dans le cours privé qui va fermer en juin 42. Celui qui dirigeait Le Cid s’appelle Pierre BERTOQUY. Il va créer l’école préparatoire aux concours des écoles de commerce avec un autre qui s’appelle MABILEAU. On sait qu’il est proposé sur une liste d’enseignants de physique-chimie. À partir de là, les témoignages qui traînent sur son activité de résistant sont très divers : il y a le témoignage de votre grand-père et par ailleurs un récit qui, sans doute, qui retrace un peu l’activité de résistant de Jean de NEYMAN via la plaquette du P.C.F. [5]. En fait, tout est là ?
P.M. : Oui.
Pour nous resituer : Serge est le documentaliste donc plus pointu sur les questions d’histoire ; moi, je suis plutôt dans l’iconographie et cela fait 13 ans que je travaille sur Jean de NEYMAN, donc j’ai quelques connaissances. Aussi, je connais bien la famille maintenant.
Avez-vous le livret de famille du grand-père ?
M.G-S. : Non. On a récupéré à la mairie son acte de décès, les actes de décès de mes deux oncles. Par contre j’ai un document ici qui peut vous intéresser : c’est la remise de la Croix de guerre [6].
S.A. : Vous avez été invités à Paris, aux invalides, au mois de juin ?
M.G-S. : Non.
S.A. : Vous m’avez dit qu’il est né quand votre grand-père ?
M.G-S. : 7 mars 1909 ; donc il avait 35 ans en 44.
P.M. : Ils étaient proches donc avec Jean de NEYMAN. Il avait 30 ans lui.
S.A. : Clément GERGAUD, çà vous dit quelque chose ?
Dominique SABEL : À Herbignac.
S.A. : Georges GERGAUD, çà vous dit aussi quelque chose ? Qui est né en 1922.
M.G-S. : Ah, je ne sais pas si c’est son frère, là ! Il y a beaucoup d’écart !
S.A. : J’ai un autre Georges qui est né en 1912.
M.G-S. : C’est çà.
S.A. : C’est un Georges, Pierre, Marius, c’est lui ?
M.G-S. : Non c’est mon oncle ; c’est le frère du grand-père, je pense !
D.S. : C’est celui qui est parti en Angleterre ?
M.G-S. : Oui

Nous regardons des photos

S.A. : Çà c’est le frère de l’autre Georges ; en fait, ils s’appellent tous Georges chez vous !
M.G-S. : Non, ce sont Joseph, Georges et Auguste : les trois frères...

S.A. fait des recherches sur internet

S.A. : Alors j’ai Jean, Joseph, François GERGAUD né en 18 en Loire-Atlantique.
M.G-S. : Jean, Joseph !?
S.A. : En fait ses trois prénoms sont : Jean, Joseph, François. C’est de votre famille aussi ? Non ?...et j’ai un Maurice, Marie né en 1919, département de naissance indéterminé.
En fait sur la liste des 5, il n’y en a qu’un : Georges, Pierre, Marie qui était donc le frère...
M.G-S. : ...non. Qui était le frère du grand-père.
D.S. : Qui était le frère du grand-père, mais qui s’appelle, euh... Georges, Joseph...
M.G-S. : Joseph.
P.M. : Ce que j’ai comme documents aussi, ce sont des témoignages qui apparaissent dans l’évocation artistique. Nous avons aussi un témoignage de Joachim HENNIG, qui est un Allemand du mémorial de Coblence, qui témoigne par rapport à votre grand-père en disant que l’officier allemand nazi a mis en doute le témoignage de votre grand-père - ceci semble logique de sa part - et aussi par un curé de Saint-Molf. Mais il n’y a pas de problème, c’est juste pour acquitter le nazi ; il y a eu un non-lieu qui a été prononcé. Sinon il y a le témoignage publié par le parti [7].
S.A. : Je n’ai jamais lu ce truc là. Je pensais ne pas l’avoir en fait, donc je ne l’ai pas lu et suis un peu embêté.
Qu’avez-vous comme informations sur votre grand-père ? Vous l’avez connu de son vivant ?
M.G-S. : Oui. Il racontait l’histoire quand il avait bu un peu parce qu’il n’arrivait pas à le raconter quand il était « bien » en fait. C’était souvent avec beaucoup d’émotions : « ceux qui étaient avec moi n’auraient pas dû se faire fusiller... ». Il était retourné avec çà et à chaque fois, il pleurait, donc, moi, j’ai toujours cette image là d’un grand-père qui pleurait à chaque fois qu’il racontait son histoire à Kermichel.
S.A. : Et donc il vous racontait quoi ?
M.G-S. : Il racontait l’histoire des deux déserteurs qui ont été pris par la patrouille allemande, il y en a un qui s’est échappé et l’autre a été pris. Les Allemands sont revenus le soir. Ils ont fait le tour de la maison et ils l’ont mitraillé. Ils sont rentrés et ont tout retourné à l’intérieur. Il y avait même le dernier fils Michel, le fils de Joseph, qui avait 11 mois et ils ont renversé le berceau. Ils ont emmené Jean de NEYMAN qui était là, le grand-père et la grand-mère.
P.M. : Les trois ont été emmenés ?
M.G-S. : Oui, les trois.
P.M. : Il y avait un doute sur la grand-mère.
M.G-S. : La grand-mère est restée deux à trois jours et ils l’ont relâchée.
P.M. : Il ont été emmenés en charrette ?
M.G-S. : Je ne sais pas comment, mais ils ont été emmenés.
S.A. : Donc, quand Jean de NEYMAN rejoint la ferme Kermichel à Saint-Molf, qui habite dans la ferme ? Il y a votre grand-père, votre grand-mère, deux enfants...
M.G-S. : Trois enfants.
S.A. : Le dernier, il est né...
M.G-S. : En 43.
S.A. : Ah oui, vous avez raison. Il y avait donc trois enfants, Joseph et son épouse.
Il faisait quoi comme métier ?
M.G-S. : Il était agriculteur.
S.A. : Ils étaient métayers, propriétaires de la ferme ?
M.G-S. : Non, ils étaient locataires.
S.A. : Ils étaient locataires, métayers.
Ils faisaient quoi ; de l’élevage ? De la vache ? Du cochon ? Un peu de céréales ?
M.G-S. : Oui, c’est çà : un peu de tout, c’était vraiment une petite ferme.
S.A. : Il avait des activités politiques Joseph GERGAUD ?
M.G-S. : Non aucune. Enfin, je ne sais pas !
P.M. : En fait, c’est de savoir comment ils auraient pu se rencontrer [8].
S.A. : Effectivement. Il y en a un qui est plutôt sur La Baule [9], mais on peut naviguer en vélo aux alentours. Joseph GERGAUD est agriculteur à Saint-Molf. On pourrait penser qu’ils auraient pu se rencontrer comme çà, avec des accointances politiques.
D.S. : Apparemment, c’est Bernard CABASSON qui a présenté Jean de NEYMAN à ton grand-père.
M.G-S. : Oui, c’est çà.
S.A. : Alors, Bernard CABASSON, c’est un des élèves du Cid, un élève de Jean de NEYMAN.
P.M. : À un moment, tu dis que Bernard CABASSON se met sous les ordres de GERGAUD.
S.A. : Oui.

S.A. fait des recherches sur internet

Ce papier là est important, parce qu’en 45, un certain nombre de résistants, en particulier, font des demandes au niveau du Ministère des anciens combattants et des victimes de guerre - ça s’appelait comme ça à l’époque - pour exposer leurs faits de Résistance. Ils vont déposer un certain nombre de documents. Il remplissent un dossier d’abord, ils leurs faut des témoignages, comme quoi ils ont bien eu une activité Résistance. Le Comité départemental de la Libération, en 45, va vérifier que ce qui est dit est vrai ; donc il mène une contre-enquête derrière, parce que ce qu’il ne veut pas que des gens aient un statut de Résistant sans l’avoir été. Je peux vous dire qu’il y en a un paquet ! J’ai épluché les dossiers et ceux qui sont arrêtés pour fait de Résistance, Déportés ou tués directement, évidemment cela ne pose pas de soucis pour eux. Pour ceux qui ne sont pas morts, il y a de tout : ceux qui ont été faire pipi sur les bottes des Allemands, ils ont fait de la résistance...

Rires

Mais c’est ça ! Le Comité départemental de la Libération dit « non ce n’est pas vrai, non, on ne peut pas... ». Donc Bernard CABASSON va remplir ce dossier, va demander des justificatifs ; il doit prouver qu’il fait bien partie d’un réseau du coup. Son réseau d’un groupe de Résistants et il s’adresse à votre grand-père pour justifier son activité résistante. Et donc, quand on lit le papier : « je soussigné, GERGAUD Joseph, Chef de secteur F.F.I. ... », donc il avait une activité de Résistant sûre. Je suis, mais je n’ai pas retrouvé de dossier GERGAUD. Normalement, il devrait avoir un dossier puisqu’il est Chef F.F.I. ! On pourrait supposer qu’à la fin de la guerre qu’il ait fait la même demande que CABASSON : qu’on acte ses faits de Résistance vis à vis du ministère des armées. Ce qui n’est pas le cas ! C’est pour ça que je vous ai demandé tous les prénoms.
D.S. : Il doit avoir un dossier...
S.A. : Oui, mais justement, je n’ai pas de dossier ! Donc, soit son nom a été mal écrit...
D.S. : Là, il est écrit avec un « J » [10]...
S.A. : Et là, c’est la panique à bâbord.
La quatrième Région est celle de Rennes et Nantes, ce sont les deux.
« ...le français et des déserteurs allemands. Arrêtés par les Allemands en septembre 1944 [...] réfléchirent à les sauver. À les camoufler dans sa ferme à Kermichel un groupe de saboteurs très actif » [11]. Je peux prendre en photo ce document ?
M.G-S. : Oui.
P.M. : Je vais le scanner.
J’ai un truc qui vient de sa dernière lettre à Jean de NEYMAN : « Nous fûmes donc, GERGAUD et moi en voiture à cheval, puis les autres en camion conduits dans un camp entre Saint-Nazaire et Montoir ». Donc ils n’ont pas été emmenés tous les quatre en même temps !
M.G-S. : Ce sont qui « les autres » ?
P.M. : « Les autres » ça doit être votre grand-mère et puis l’Allemand ! Non, l’Allemand, GERHART, il a été emmené en voiture à part et « les autres en camion conduits dans un camp entre Saint-Nazaire et Montoir ». « Les autres... », ben, elle (N.D.L.R : la grand-mère) a été en camion certainement... et puis « Les autres », je ne sais pas qui sont « Les autres ». Peut-être que d’autres Résistants ont été pris aussi !?
D.S. : Il y avait Jean MERCY aussi.
P.M. : Oui, il y avait MERCY aussi qui faisait partie du groupe.
S.A. : Oui, mais c’est très important, car je me demande s’il y a un dossier, ça sent le dossier à plein pif. Je les consulte les dossiers, qui sont en Loire-Atlantique pour le coup, et il y a ce type de document à l’intérieur. Du coup la Croix de guerre, vous ne l’avez plus ?
M.G-S. : Non.
P.M. : Il faut la redemander.
S.A. : Oui, il faut la redemander.
P.M. : Il nous faudra le livret de famille.
S.A. : Après, c’est sur l’Ordre national de la Libération, donc je les connais et on va s’arranger.
M.G-S. : Le livret de famille, je ne l’ai pas retrouvé.
P.M. : Parce qu’on a pu avoir les diplômes de Jean de NEYMAN, mais il fallait les livrets de famille. La famille, directement, peut le demander mais il faut prouver la filiation. Cela serait bien de faire la démarche. On peut rester ensemble et voir.
Et donc « au bout de huit jours Mme. Jergaud fût relâchée », c’est Jean qui l’écrit. « le 25 août Gerhardt, Jergaud et moi, nous passions devant un conseil de guerre ».
[...]
M.G-S. : On l’a aussi.
[...]
P.M. : Oui. Votre grand-père a été condamné à la peine de mort d’après ce qu’il dit, condamnation commuée à deux ans de prisons et au bout de 45 jours, il sera libéré.
S.A. : Mais Jean MERCY, je n’ai rien sur lui. J’en suis rendu à la lettre M, alors forcément...
M.G-S. : Moi, je ne l’ai pas connu, je ne sais pas quand il est décédé...
P.M. : Je n’ai pas retrouvé non plus de trace.
M.G-S. : Ils venaient tous les deux, avec Bernard CABASSON, voir, pendant un certain nombre d’années, tous les ans, le grand-père et la grand-mère.
P.M. : Et LEGUEN, çà vous parle ?
M.G-S. : Oui. J’en ai parlé à ma mère ; c’est un de nos petits cousins éloignés.
S.A. : Et son prénom ?
M.G-S. : Marcel.
S.A. : Côté paternel ou côté maternel ?
M.G-S. : La mère de mon grand-père était la sœur de la grand-mère de Marcel LEGUEN, c’est ça ? Oui, c’est ça : FRESCHET.
S.A. : Ça c’est le nom de jeune fille...
M.G-S. : De la mère de mon grand-père.
S.A. : Et son prénom ?
M.G-S. : Sidonie.
S.A. : Et lui LEGUEN, il faisait quoi au sein de Kermichel ?
M.G-S. : Il avait 14 ans.
P.M. : LEGUEN était Résistant aussi, il connaissait Jean. Jean venait chez lui et il l’appelait « Le professeur ».
S.A. : Et LEGUEN, il habitait où ?
P.M. : À Saint-Lyphard.
S.A. : Ça vous dit quelque chose aussi ?
M.G-S. : Oui.
P.M. : Je l’ai interviewé et c’est sur le site [12].
[...]
P.M. : Il y a quelque chose d’assez inintéressant dans la lettre de Jean, c’est « À propos d’enfants, si vous le pouvez, intéressez vous au second fils de Gergaud, un bébé de 5 ans ». Alors c’est qui ?
M.G-S. : C’est Joseph. C’est un autre Joseph. Joseph fils. On l’appelait Jojo pour pas le confondre.
P.M. : Je vais le noter, parce que parfois on tombe sur des documents... « ...5 ans, mais qui a du bon ; vous me ferez plaisir en le faisant ; c’est une dette de reconnaissance. Vous pourriez avoir chez lui divers objets m’appartenant. »
[...]
S.A. : Et Kermichel, c’est la ferme de votre grand-père.
M.G-S. : Oui.
P.M. : Est-ce qu’elle a été détruite cette ferme ?
M.G-S. : Je ne sais pas.
P.M. : Parce qu’actuellement, c’est un gîte. C’est une maison qui ne ressemble pas du tout à une ferme. Par contre dans le gîte il y a un petit muret qui reste. On pense que la ferme a été détruite par les Allemands ou quelqu’un d’autre... Je ne sais pas, mais comme elle a été mitraillée, fouillée...
M.G-S. : Pourtant ils sont revenus là, je pense, après cet évènement là !
P.M. : Ils sont revenus dans la ferme alors !
M.G-S. : Et bien oui, puisqu’après, ils sont partis sur Bissin, donc à Guérande, la ferme de Bissin de madame de CHAMPSAVIN. Son mari était Résistant ; il est mort dans les camps.
P.M. : Donc la ferme n’a pas été détruite par les Allemands ?
M.G-S. : Non.
P.M. : Parce que les Allemands avaient l’habitude.
D.S. : Voila les seules photos de Kermichel [13] que l’on a retrouvé.
M.G-S. : Oui, c’est tout ce que l’on a retrouvé.
[...]
P.M. : Donc ça n’a rien à voir avec la maison actuelle.
M.G-S. : Non, c’était des petites maisons. Il y avait juste une fenêtre et une porte, puis les écuries sur les côtés.
[...]
M.G-S. : Ah oui, c’est çà. Le petit garçon à côté, dans les bras de ma grand-mère, c’est Michel qui est né le 14 septembre 1943. Le garçon à côté, c’est mon père, c’est Marcel.
P.M. : Et le petit garçon ?
M.G-S. : C’est mon père. Il est grand. Parce que Jojo avait 5 ans là. Mon père avait 11 ans en 44, Marcel, puisqu’il est né en 1933.
S.A. : Vous avez des photos de Joseph GERGAUD.
M.G-S. : Oui, on les a toutes là.
S.A. : Commençons par le début.
M.G-S. : Voilà la photo de son mariage [14].
S.A. : Donc le marié à gauche, et Rosalie.
P.M. : Votre nom de jeune fille, c’est comment ?
M.G-S. : C’est GERGAUD.
[...]
S.A. : Ils se sont mariés en quelle année ?
M.G-S. : En 1933 à mon avis.
S.A. : C’est facile de retrouver, c’est marqué sur les actes de naissance. Il est né où GERGAUD ?
M.G-S. : À Herbignac.
S.A. : C’est marqué en mention marginale.
[...]
D.S. : Justement, on voudrait récupérer l’acte de naissance, puisqu’on n’a plus le livret de famille, pour la filiation. Je voulais le faire par internet et on ne peut pas parce qu’il faut prouver la filiation.
S.A. : Votre grand-père est né en quelle année ?
M.G-S. : 1929.
S.A. : Et bien l’acte de naissance est en ligne. Je vous le retrouve en 10 minutes.
D.S. : Oui, mais avec la filiation ? Parce que l’on a l’acte de naissance.
M.G-S. : Non c’est l’acte de décès du grand-père, donc on a sa date de naissance dessus.

S.A. fait des recherches sur internet pendant que l’on continue à regarder les photos

D.S. : Ça, c’est Michel GERGAUD. Il est décédé très jeune d’un accident de voiture.
M.G-S. : 22 ans.
S.A. : C’est qui ?
M.G-S. : Le dernier des fils : Michel.
S.A. : Celui dont parle Jean de NEYMAN ; C’est ça ?
M.G-S. : Non, c’est Joseph.
D.S. : Celui qu’on appelle Jojo.
M.G-S. : Moi, j’ai entendu dire que Jean de NEYMAN prenait Jojo sur ses épaules pour aller cisailler les fils téléphoniques.
P.M. : C’est intéressant ça !
M.G-S. : Alors... Est-ce que c’est vrai ?
P.M. : Ça fait rien. C’est du témoignage.
S.A. : Qui a dit çà ?
M.G-S. : C’est mon père qui disait çà.
D.S. : Je pense que c’est vrai.
M.G-S. : Oui.
S.A. : Oui. Je ne mets pas en doute du tout, mais après, il faut savoir qui dit quoi !
Faites revoir les photos. En fait au plus près de 45, c’est... On n’a pas la date de mariage là. À mon avis, il a dû se marier dans les années 30-35. Il est né quand le premier enfant ?
M.G-S. : Il est né le 30 décembre 33, donc ça peut être le mariage en 1933.
S.A. : Oui, en début d’année ou 32. C’est souvent ça.
M.G-S. : Ça, c’est la grand-mère Rosalie.
S.A. : Originaire du coin, je suppose : Herbignac ou...
M.G-S. : Saint-Molf, famille GUIBERT. Oui, avec grand-père à l’armée.
[...]
D.S. : On a retrouvé aussi le faire-part de mariage de Georges CABASSON [15] et toute une correspondance au grand-père. Il leur écrivait régulièrement. Il y a quelques éléments dedans. Et un extrait de la dernière lettre [16] qui date de vieux...
P.M. : Ça m’intéresse aussi parce que c’est important de pouvoir comparer plusieurs documents les uns à côté des autres.
D.S. : Et puis ça, ce sont les fameux courriers de la sœur de Jean de NEYMAN [17].
P.M. : Oui de Marie. Je vais essayé d’avoir le contraire ; c’est à dire les courriers de... (N.D.L.R : de la famille GERGAUD ). C’est Vincente (N.D.L.R : de NEYMAN) qui doit les avoir. Je sais qu’elle en a plein.
[...]
S.A. : Ils sont apparemment amis, avec des relations fortes, ils s’écrivent assez régulièrement, puisque vous avez gardé les lettres. Ils parlent de l’histoire de Kermichel ou c’est plutôt...
D.S. : Il donne des nouvelles.
P.M. : C’est catholique. C’est très porté sur le catholicisme.
D.S. : Marie prend plus des nouvelles des enfants.
[...]
M.G-S. : C’est surtout ma grand-mère qui écrivait. Grand-père n’écrivait pas, lui. Je pense qu’il n’avait pas pu faire des études.
S.A. : Elle, du coup, elle doit plus parler de vie religieuse, et elle ne parle pas de son frère ?
[...]
S.A. : Donc Joseph GERGAUD entretient de la correspondance avec la sœur de Jean de NEYMAN ?
M.G-S. : C’est surtout la grand-mère qui écrivait.
S.A. : Avec Marie de NEYMAN.
D.S. : Qui était religieuse à Rennes.
S.A. : Les autres types de courriers, c’étaient quoi ?
D.S. : Georges CABASSON qui donne des nouvelles. Il parle de sa situation, de ses études de médecine. Il parle un peu de Jean de NEYMAN dedans, mais il n’y a pas grand-chose.
S.A. : À quelle période il écrit ça ?
D.S. : 1951, 1952, 1953.
S.A. : Assez longtemps après.
La famille en a peut-être, je ne sais pas.
[...]
M.G-S. : Je reconnaîtrais tout de suite l’écriture de la grand-mère. Il n’y a pas photo là ! Elle avait une écriture particulière... Très linéaire.
[...]
D.S. : Après, on a retrouvé pas mal de courriers qui venaient d’Allemagne, d’un camp de prisonniers. On pensait que cela avait un lien avec le grand-père, mais non. C’est un frère de la grand-mère GUIBERT Marcel.
S.A. : Redites-moi le nom de la ville de naissance de votre grand-père.
M.G-S. : Herbignac. Le 5 mars 1909
On a retrouvé ça aussi, ça doit être les rassemblements quand ils se retrouvaient au mois de septembre [18].
P.M. : Ça nous intéresse aussi, car on travaille sur la mémoire. Il n’y a pas les dates ?
M.G-S. : Et bien non, il n’y a pas les dates. Il y a une personne qui reçoit une médaille.
D.S. : C’est probablement lié à Jean de NEYMAN, parce que l’on voit le grand-père ici. Là dans le coin, le grand-père GERGAUD, Joseph. Et puis ton oncle Jojo, enfin Joseph GERGAUD, son fils.
M.G-S. : Et mon père aussi à côté.
D.S. : Là, ici, c’est mon beau-père, là son frère.
M.G-S. : Oui, ils y allaient à trois ou quatre : la grand-mère, le grand-père, mon père et son frère Jojo, en début septembre pour les commémorations.
P.M. : On ne sait pas si c’est à La Baule ou à Saint-Nazaire ?
M.G-S. : C’est à Saint-Nazaire que cela se faisait.
D.S. : Sa tombe est toujours au cimetière à Saint-Nazaire, à Toutes-aides ?
P.M. : Oui, en deuxième inhumation, parce qu’il y a eu des travaux sur le premier cimetière ; rien à voir avec la guerre, c’est l’urbanisme. Donc ils ont déplacé tous les morts sur Toutes-aides. Ils l’ont placé sur le carré militaire au pied du drapeau bleu-blanc-rouge. Bizarrement, à côté, il y a les Allemands de 14-18 qui y sont enterrés. Anecdote.

S.A. montre son écran d’ordinateur

S.A. : Alors, voila l’acte de naissance de Joseph GERGAUD [19].
[...]
S.A. : Oui, mais surtout aussi qu’ils ont mis beaucoup de choses. [...]
Donc c’est bien Joseph, Pierre-Marie GERGAUD. « L’an 1905 du mois de mars à 3 heures du soir », soit 15 heures. C’est BOURBOUSSON Félix, le maire, qui va déclarer les enfants, donc Joseph GERGAUD. « Son père : GERGAUD Pierre-Marie », c’est le nom du père de Joseph GERGAUD. « 33 ans, cultivateur, domicilié à la Duranderie de cette commune », et donc on est à Herbignac, « lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin né ce jour le 5 mars de la présente année », donc 1909, en fait, il est arrivé le 5 et a été déclaré le même jour, « et de FRÉCHET Sidonie »
M.G-S. : Oui c’est ça, c’est sa mère.
S.A. : Oui, « et de FRÉCHET Sidonie sa mère âgée de 26 ans cultivatrice également. Présent en témoin de l’acte de naissance : Jean-Marie FRÉCHET, âgé de 37 ans, cultivateur, domicilié à la Ville-aux-Bras, commune d’Herbignac, oncle de l’enfant ». C’est FRÉCHET, c’est celui dont on a parlé tout à l’heure avec...
D.S. : Marcel LEGUEN
S.A. : Oui, c’est çà.
M.G-S. : Oui, c’est une sœur à Sidonie ; la mère ou la grand-mère ?
S.A. : « Et de RENAUD Pierre-Marie », je crois, « âgé de 43 ans, garde champêtre à Herbignac, ami de l’enfant ».
D.S. : Par contre, il n’y a pas la date de naissance des parents.
[...]
P.M. : Vous allez rencontrer la famille de NEYMAN, c’est important.
D.S. : On a retrouvé aussi dans les affaires... Ça peut peut-être vous intéresser au niveau du musée, parce que nous ça ne nous intéresse pas de les garder. Voilà l’affiche [20].
P.M. : Celle dont vous m’avez parlé. Ah ben oui bien sûr et puis elle est belle !
S.A. : Ça c’est la crise économique ?
D.S. : Non, non, c’est la fameuse paix de Munich que les chefs de gouvernements avaient signé avec Hitler en 38.
P.M. : Et ça c’est un cadeau ?
M.G-S. : Oui, nous on ne va pas le garder, on n’en fera rien.
D.S. : Pour le musée, ça peut intéresser ?
[...]
D.S. : Parce qu’on connaît bien le musée de Saint-Marcel à côté de chez nous. On a un ami, un voisin, qui a 100 ans et qui est un des derniers Résistant de Saint-Marcel.
P.M. : Ils ont fait un truc, il n’y a pas longtemps ?
M.G-S. : Oui, ils ont fait un spectacle là-bas. Le président de la République devait y aller, mais je ne sais pas !
P.M. : Et bien, je vous remercie infiniment.
D.S. : On va vous le donner.
M.G-S. : Oui, moi, je ne vais rien en faire de tout ça. C’est aussi bien dans les musées.
P.M. : Et bien oui. Même mes propres archives, je les ai données. Les gens ne pensent pas que ce que l’on fait actuellement sont les archives pour demain. Les gens pensent que les archives, c’est toujours de la poussière et du vieux papier, mais non. Ce que l’on produit actuellement, cela servira aux générations futures.
[...]
D.S. : On a son Certificat de bonne conduite du Régiment d’artillerie où il a fait son service militaire [21].
P.M. : C’est intéressant. Au niveau iconographique.
D.S. : C’est pas mal. C’est resté collé... [22]
P.M. : Non ne le décollé pas, je vais le scanner. Il est beau.
[...]
P.M. : Je fais un aparté là. Il y a un bordereau de versement et puis la demande de diffusion. On fera ça la prochaine fois. Je vous l’enverrai et vous les remplirez tranquillement.
M.G-S. : Oui, oui.
S.A. : À part Marie de NEYMAN et puis donc Bernard CABASSON qui écrivent, le prénom de MERCY, vous l’avez ?
M.G-S. : C’est Jean.
S.A. : Donc, à part Marie de NEYMAN et Bernard CABASSON, votre grand-père n’a entretenu des relations qu’avec eux ?
M.G-S. : Oui.
S.A. : Et vous-même, il vous a parlé verbalement de ce qui c’était passé à Kermichel, mais c’est tout. Il est décédé en quelle année ?
M.G-S. : 1995.
S.A. : Il n’était pas si vieux que ça, en fait.
M.G-S. : Ça va faire 30 ans l’année prochaine.
P.M. : Et votre maman, elle a connu Jean de NEYMAN, certainement ?
M.G-S. : Elle est née en 1938 ma mère.
D.S. : Elle n’était pas dans le même coin.
M.G-S. : Elle était sur La Turballe. Ils ne se connaissaient pas.
P.M. : Elle a dû en entendre parler ?
M.G-S. : Oui, elle en a entendu parler.
[...]
S.A. : [MARGOULET], ça vous dit quelque chose ?
M.G-S. : Non.
S.A. : Gaston DAVID, çà vous dit quelque chose ?
M.G-S. : Je pourrais demander à ma mère. Elle le sait peut-être !
S.A. : DESMARS, Louis DESMARS, mais lui, c’est autre chose...[LE COURTOIS], çà vous dit quelque chose ?
M.G-S. : Non plus.
S.A. : Et bien ; c’est déjà beaucoup. Vous nous avez amené plein de documents. C’est vraiment super.
[...]
M.G-S. : Il avait çà dans ses papiers.
D.S. : Des correspondances de prisonniers de guerre [23], ça peut vous intéresser ou pas ?
P.M. : Oui. Complètement. Peut-être pas pour notre affaire, mais pour le musée et autres...
M.G-S. : On ne va pas garder tout ça. On ne voit plus beaucoup l’écriture, c’est çà qui est dommage.
S.A. : En fait, je vous demandai tout à l’heure une photo la plus récente possible par rapport...
M.G-S. : Celle-là et celle-là.
S.A. : C’est en quelle année ?
M.G-S. : Je ne sais pas trop ! la plus c’est celle-là, avec les enfants [24], quand nous les avions invité, c’était en 1991 et il est décédé en 1995. Avec la grand-mère et puis le grand-père, et là, ce sont nos enfants, et puis mon père ici, dans le coin.
S.A. : Et à côté c’est ?...
M.G-S. : C’est la grand-mère : Rosalie.
P.M. : [25] C’est quand même écrit au grand-père.
D.S. : Oui, c’était des correspondances qui étaient adressées à Kermichel. C’était un frère de la grand-mère.
M.G-S. : Henri GUIBERT, ils étaient 10 enfants.
P.M. : Je suppose que c’est noté dessus : « Marcel ».
M.G-S. : Ah ! C’est Marcel ! Il y en a plusieurs. Il y a Henri GUIBERT aussi.
P.M. : C’est intéressant, même pour nous.
Vous venez demain à l’évocation artistique ? Ça vous fait loin à chaque fois !
D.S. : Oui, çà fait beaucoup de déplacement. On viendra samedi par contre.
On a des vieux articles que l’on a retrouvé. On a pas la date ! Des coupures sur de commémorations de Jean de NEYMAN.
P.M. : C’est intéressant.
Et puis vous avez la photo de Jean de NEYMAN.
D.S. : Oui on a la photo.
P.M. : C’est intéressant aussi, peut-être parce que nous, nous n’avons que la reproduction sur une plaque de verre, que vous vous avez peut-être la partie de la photo originale !
Je peux me permettre ?

P.M. prend l’album.

L’article est intéressant, il y a une connotation politique, je pense qu’il était écrit par le Parti communiste parce qu’il fait référence à la situation politique de l’époque.
P.M. : Ici, il y en a beaucoup.
Là il [26] est au chevet de sa sœur qui est malade.
S.A. : Là, on voit « nous sommes jugés, nous sommes transférés à Gron au camp Franco ». C’est quoi, c’est un camp d’internement ?
P.M. : C’est un camp de prisonniers
S.A. : « ... à Heinlex, nous restons trois jours sans manger »...
[...]
S.A. : Tout ce qui est dans la commémoration, c’est tiré de Joseph GERGAUD ?
P.M. : Oui.
S.A. : Faites voir [27].
P.M. : [...] Il est corroboré par le témoignage de Coblence, GERGAUD.
[...]
S.A. : En fait il n’y a que la Résistance et la répression. Le reste c’est la lettre.
D.S. : Là c’est la plaque de Jean de NEYMAN [28].
P.M. : On ne l’a jamais vu celle-là. On ne la connaît pas du tout. Ah si, c’est sa pierre tombale.
M.G-S. : À Heinlex.
P.M. : Elle n’est pas à Heinlex la pierre tombale.
M.G-S. : Non, mais je veux dire, il y a la stèle. Et bien, c’est une stèle çà ?
P.M. : Non c’est une pierre tombale.
D.S. : C’est le cimetière ça. C’est la tombe.
S.A. : Qui est fleurie. C’est le moment d’une commémoration certainement sinon les fleurs seraient mortes.
P.M. : Parce que, actuellement à Toutes-Aides, il y a son portrait en rond là. Le fameux portrait qui est mis en médaillon au-dessus. Donc ça, c’est certainement la pierre tombale du premier cimetière.
D.S. : Ah d’accord. Il y a toujours des commémorations au cimetière ?
P.M. : Non, au cimetière, c’est fini. Il y a deux types de commémorations, disons « officielles », en dehors des inaugurations de boulevards et ainsi de suite. C’est à La Baule le 8 mai tous les ans ;
M.G-S. : Depuis longtemps ?
P.M. : Ça fait un bout de temps, à part la saison covid. Sinon il y a le Parti communiste de La Baule qui organise, devant la maison où il enseignait, rue de la Pierre Percée, où il y a une plaque à son nom : Jean de NEYMAN. Il y a une cérémonie, puis après nous allons à la commémoration officielle de La Baule pour le 8 mai, qui est juste à côté.
D.S. : La maison où il enseignait existe toujours ?
P.M. : Oui.
D.S. : C’est rue de la Pierre Percée ?
P.M. : Oui, vous le trouverez sur le site internet [29].
...et la commémoration du 2 septembre, autour du 2 septembre qui est organisée par le Parti communiste et le Comité du souvenir.
D.S. : On se demandait : il n’y a que lui qui était communiste dans la famille ?
P.M. : C’est une famille anarchiste. Bourgeoise, mais anarchiste.
D.S. : Il n’était pas d’un milieu ouvrier et tout ça...
P.M. : Non, il était de famille très bourgeoise, mais ils ont été très anarchiste. Il y a même son frère, je crois, qui a refusé de serrer la main de je ne sais plus qui... Ils étaient « volontaires » comme on dit !
M.G-S. : Ça vient déjà depuis l’origine des parents qui étaient Polonais ?
P.M. : Oui, depuis la Pologne.
S.A. : André est communiste, ça c’est sûr ! Il a fait partie d’un réseau F.T.P.
D.S. : Son frère ?
S.A. : Oui, du côté de Creil à priori, en région parisienne.
D.S. : Le frère aîné alors.
S.A. : Non, c’est son seul frère. Jean de NEYMAN a une sœur jumelle et un frère.
P.M. : C’était Jean et Marie les aînés.
S.A. : Il était un an ou deux ans plus jeune [30]. Donc il était communiste, F.T.P. forcément, et Jean de NEYMAN est communiste, çà c’est sûr. Anarchiste, la famille ? je ne sais pas trop, mais...
P.M. : Si. Déjà, il était du côté des antifascistes à Strasbourg et militait réellement.
S.A. : Çà c’est Jean de NEYMAN.
P.M. : Ils étaient antifascistes aussi dans la famille.
S.A. : Oui comme tous les Français de Navarre et de France qui ont vu débarquer les Allemands.
P.M. : Il y avait aussi des gens habillés en noir avec des grands bérets...
S.A. : Oui absolument, mais il y a surtout la grande majorité qui n’a strictement rien fait d’ailleurs ! Ils ont considéré qu’ils laissaient passer l’orage, comme on dit.
P.M. : Ça ne vous dérange pas si je fais une photo ?
D.S. : Non.
S.A. : Au fil de l’eau, le sentiment anti-allemand progresse parce que l’on mange de moins en moins bien. Il y a les rationnements et la population commence... Autant au départ, en 40, les Allemands sont relativement bien acceptés d’ailleurs. parce qu’ils sont impressionnants, ils sont beaux... Et puis au fil de l’eau... D’abord, il y a beaucoup de réquisitions. En fait l’Allemagne a pillé littéralement la France donc pour manger cela devient très compliqué et ce qui explique d’ailleurs le fameux article de Jean de NEYMAN sur les petits pois [31]. Il a fait un article en 42 dans la presse de La Baule où il raconte... il est professeur de physique-chimie, mais ce sont plutôt des mathématiques... Il raconte l’histoire des queues de rationnement que l’on pouvait faire à La Baule du coup. Cet article a été fait à La Baule de ce fait. Il fait un mélange d’équations mathématiques et de queues de rationnement à La Baule. Voilà pour la petite anecdote.
Et puis en 44 tout le monde est devenu Résistant.
C’est pour ça que je n’y vais pas [32]. Enfin si, j’y vais ! C’est très compliqué. Vous verriez le nombre de dossiers où les gens sont soit disant Résistants, mais ils n’ont jamais été Résistants. Tout le monde est parti dans le maquis, sauf qu’il n’y a pas de maquis ! En Loire-Atlantique, il n’y en a pas. Il y a le maquis de Saffré.
P.M. : De Saint-Marcel.
S.A. : C’est dans le Morbihan, ce n’est pas en Loire-Atlantique ! Le maquis de Saffré et puis c’est tout !
D.S. : Il n’y avait pas le maquis de Savenay ?
S.A. : Non.
P.M. : Non, il y a eu un camp d’internement : le camp de La Touchelais.
S.A. : Sauf erreur de ma part, il n’y a qu’un maquis en Loire-Atlantique.
D.S. : Où c’était ?
S.A. : À Saffré.
D.S. : À Saffré. J’avais compris Savenay.
S.A. : C’est vers Châteaubriant. Ce n’est pas très loin.
Et puis c’est tout !
Alors : « oui j’ai pris les armes, j’étais dans le maquis à Guérande ». Ben non !

Rires

.
Vous rigolez, mais c’est ça ! Et là le gars du Comité départementale de la Libération dit « ben non, vous ne pouvez pas avoir été dans le maquis, il n’y en avait pas ! ». Vous voyez.
D.S. : Alors la famille de NEYMAN, je pensais que c’était des Juifs polonais.
S.A. : Non. Ils sont d’origine juive. Jean de NEYMAN a un papa qui s’appelle Constantin et une maman qui s’appelle Rose MAJERCZAK, et Rose est d’origine juive. Donc Jean de NEYMAN est d’origine juive par sa mère. Ça c’est la première chose. La deuxième chose est d’être de religion juive. Ce sont deux choses totalement différentes. Vous pouvez être d’origine juive en étant catholique. Ça n’a rien à voir.
P.M. : La preuve : Marie sa sœur.
S.A. : Donc Jean de NEYMAN est d’origine juive par sa mère effectivement, mais pas par son père. Il est athée ; il ne pratique aucune religion, comme la totalité de la famille. Autant Constantin, le père et les enfants ne sont pas pratiquants.
P.M. : D’ailleurs dans sa dernière lettre, Jean le dit : « j’espère qu’ils ne vont pas s’adresser au Bon Dieu » ou je ne sais plus quoi [33]...
S.A. : D’ailleurs, il y a un prêtre, lors d’une exécution capitale, il y a un prêtre systématiquement qui vient, y compris avec les Allemands. C’est quasiment systématique, je crois, où le prêtre vient bénir ou du moins recueillir les derniers instant de la personne qui va passer sur le poteau. Là, on ne sait pas ; on n’a pas les infos.
Donc, en fait, ils sont d’origine juive, mais n’ont rien à voir avec la religion juive ou la pratique juive.
P.M. : Ils sont même complètement athées.
S.A. : Alors, ils sont athées. Ça c’est sûr. Ils ne veulent plus entendre parler de la religion qui est pour eux une forme, un peu, de contrainte.

P.M. regarde le tapuscrit de la dernière lettre [34]

P.M. : C’est un extrait que vous avez. Il n’y a pas assez de pages. Il y a six pages manuscrites. C’est exposé [35].
D.S. : Il existe encore l’original du coup ?
P.M. : Non, il n’y a plus l’original, pour une bonne raison, c’est qu’André l’a donnée au Musée de la Résistance nationale ou au Musée Nationale de la Résistance. Ce sont deux entités différentes. Ils l’ont perdu ! Ils s’accusent mutuellement de l’avoir. Mais André l’a donné, mais il a eu l’intelligence de faire une photocopie avant de la donner. Donc on a cette chance là - Dominique de NEYMAN a gardé la photocopie - d’avoir pu scanner la photocopie avec l’écriture de Jean de NEYMAN. Vous avez toute l’histoire de la lettre sur le site internet [36].
La lettre n’a pas été donnée directement à la famille. Elle est passée par un ami : le docteur JAGAUD, je crois ?
S.A. : Oui c’est çà.
P.M. : Il a écrit au docteur JAGAUD, à La Baule, pour lui demander de donner ses dernières affaires et la lettre en main propre à sa famille. Aux archives... - c’est toute une histoire ! C’est l’histoire dans l’histoire que j’aime bien - ...ils ont retrouvé une plaque de verre reproduisant cette lettre. Ils n’étaient pas sûr que ce soit l’écriture de Jean de NEYMAN. Comme j’avais la copie, on a croisé nos documents et reconstitué le puzzle. Il y a pas mal de petites histoires dans la grande.
Le fait de notre rencontre c’est déjà une histoire.
D.S. : On ne s’était pas plus intéressé que ça avant.
M.G-S. : Et puis, moi j’avais tellement un mauvais souvenir du grand-père qui était complètement retourné avec çà. Toute sa vie, il a été traumatisé. Donc je n’osais pas lui poser des questions pour en savoir plus sur ce qui c’était passé parce que çà le retournait à chaque fois.
D.S. : Et puis la grand-mère n’était pas trop contente non plus.
P.M. : Mais il y en a beaucoup comme ça. J’ai appris à la mort d’un camarade de Saint-Nazaire qui connaissait Jean de NEYMAN. Je n’ai jamais pu l’interviewer du coup ! C’est vrai que les anciens n’aimaient pas trop ressasser.
M.G-S. : Ils ont parlé, mais très longtemps après.
P.M. : Ils se culpabilisaient aussi.
M.G-S. : Et puis dans les années 50, ils ne parlaient pas encore. Il a fallu attendre longtemps. Peut-être pendant les années 70, ils ont commencé à parler. Ben, Yannick MOREL - il s’appelle MOREL aussi - maintenant, alors qu’il a 100 ans, il ne racontait pas.
P.M. : Là, il faut l’interviewer.
M.G-S. : Il a été interviewé ; il est passé dans les journaux et tout. C’est le dernier Résistant !
D.S. : On a entendu dire que le soldat allemand ramassait des mûres le long de la route.
P.M. : Oui, c’est ce qu’il y a d’écrit dans le témoignage de GERGAUD. Il ramassait des mûres, et puis : bingo.
D.S. : C’est incroyable qu’il n’ait pas fait attention plus que ça !
M.G-S. : Il était vraiment au bord de la route.
P.M. : Oui, mais c’est long. Il y a un grand chemin.
M.G-S. : Je sais, mais il est vraiment au bord de la route.
P.M. : S’il était resté dans le chemin, il n’aurait rien eu. Et il avait un pistolet sur lui, je crois.
D.S. : Oui, c’est ça.
J’ai entendu dire aussi que les Allemands avaient reçu l’ordre, mais le lendemain, de ne pas fusiller Jean de NEYMAN parce que c’était un grand savant. C’est vrai ça ou pas ?
P.M. : Je n’ai jamais entendu.
M.G-S. : Oui, il ne devait pas être fusillé, c’est ça ?
P.M. : Non, je ne sais pas.
M.G-S. : Si, parce que le lendemain, ou le surlendemain, il y a eu un ordre comme quoi il ne fallait pas le fusiller.
P.M. : Il s’est pourvu auprès d’une instance, mais çà a été refusé.
M.G-S. : Et bien il y a eu ordre de Paris, je crois qu’il ne fallait pas l’exécuter.
P.M. : Qui est-ce qui a dit ça ?
M.G-S. : C’est mon grand-père qui disait ça, mais est vrai ou pas ?
P.M. : C’est la mémoire qui peut révéler des trucs parfois.
M.G-S. : Et bien oui. Normalement, il n’aurait pas dû être fusillé. Mais je crois qu’il y en a eu d’autres après le 2 septembre ?
P.M. : Non, c’est le dernier.
D.S. : C’est le dernier fusillé ?
P.M. : Même peut-être en Europe. J’en discutais avec le conservateur du musée - qui est maintenant décédé - et il me disait : » le dernier de Loire-Inférieure c’est sûr » - attention : avec procès. Je ne parle pas des fusillés dans la bataille - . c’était Guy KRIVOPISSKO qui a écrit un livre sur les dernières lettres de fusillés [37]. Dans toutes les lettres qu’il a recueilli, 50 Otages et ainsi de suite, c’est la dernière lettre qu’il a. Il dit « de France, c’est très probable, mais d’Europe peut-être ». Il faut penser qu’en août, Paris est libéré. Les Allemands sont battus. D’ailleurs, Jean l’écrit aussi dans sa dernière lettre, il dit : « Je fais certainement partie des derniers » [38], et il ne se trompe pas !
Ce matin dans Ouest-France, ils ont publié un article comme quoi il y a une association à Saint-Molf qui veut faire une stèle [39].
[...]
P.M. : Notre but, à nous, c’est plus de rechercher des documents, et ainsi de suite, qui serviraient aux historiens. On va écrire un petit bout de l’histoire parce que nous aurons des certitudes ou des choses comme ça. C’est plus, lancer des pistes. Vous voyez, cela a servi de lancer le site internet parce que l’on vous a connu et on peut regrouper des choses. Il y a peut-être quelqu’un qui va lire ce que l’on va écrire avec votre témoignage et qui va dire « je le connais lui, mon grand-père m’en parlait... » et ainsi de suite. Donc on essaye de lancer des pistes pour fournir des documents aux historiens. Serge, il est documentaliste, c’est son métier de rechercher. Vous voyez, il trouve rapidement les choses. Moi, c’est comme je vous ai dit au départ, c’est l’iconographie. Mais je suis passionné par Jean de NEYMAN. C’est un personnage qui m’a touché énormément quand je suis arrivé ici. Alors j’ai fait des recherches. J’ai repéré sa famille et suis rentré en contact avec elle.
D.S. : Ah oui, c’est vous qui avez fait tout ça ?
P.M. : Oui depuis le début. Je suis content parce que l’on arrive à des choses assez intéressantes. Ah ! Quand j’ai reçu votre mail qui disait « je suis la petite fille de... » j’avoue que j’ai bu l’apéro !

Rires

D.S. : Ça vous intéresse d’avoir une copie de çà ?
P.M. : C’est quoi ?
D.S. : C’est un extrait de la lettre de Jean de NEYMAN.
P.M. : Si, cela m’intéresse. Surtout quand on sait d’où il vient. Cela veut dire que peut-être - moi je ne suis pas historien - des historiens vont dire qu’ils n’ont gardé que cet extrait qui les intéressait pour telle et telle raison... ». Le Musée de la Résistance nationale avait un tapuscrit aussi, parce qu’à l’époque ils recopiaient beaucoup comme ça. Il n’y avait pas des imprimeurs. Il leur manquait la dernière page, par exemple.
S.A. : Jean LEGUEN, c’est en deux mots ?
M.G-S. : Je ne sais plus. Oui, je crois.
D.S. : Tu penses que ce n’est pas un breton ? C’est pas comme dans le Finistère ? Ce n’est pas attaché en Loire-Atlantique ?
P.M. : Ah ! LEGUEN par rapport à Marcel ? C’est attaché.
S.A. : Je ne trouve pas.
P.M. : Tu vas dans les témoignages, en vidéo [40].
S.A. : Il est retranscrit en papier ? En fait je n’écoute pas, vous êtes témoin.

Brouhaha inaudible. Tout le monde parle en même temps
P.M. regarde le tapuscrit

P.M. : Si c’est intéressant. Vous savez d’où cela vient ?
D.S. : On l’a retrouvé dans les papiers des grands-parents.
M.G-S. : On ne sait pas d’où ça vient !
P.M. : Bon, je vais vous prendre les documents si vous voulez.
[...]
S.A. : Au niveau des rapports que vous aviez avec Joseph GERGAUD, vous, sa petite-fille... Vous n’êtes pas née à Saint-Molf du coup.
M.G-S. : Non, je suis née à Guérande.
S.A. : Et, petite-fille vous alliez voir votre grand-père assez régulièrement ?
M.G-S. : Ah oui, oui.
S.A. : Et, quand il vous a parlé de ça, vous étiez en âge de comprendre, je suppose ?
M.G-S. : Oui.
S.A. : Vers 12 - 13 ans ?
M.G-S. : Vers 10 ans.
S.A. : Il n’en parlait pas régulièrement ?
M.G-S. : Si, si, il en parlait assez souvent.
S.A. : Mais plutôt quand il était euhhh...

Rires

.
M.G-S. : Il en parlait le soir. C’était grand-père. Mais quand il était « bien » : non.
D.S. : Tu as connu Bernard CABASSON aussi.
M.G-S. : J’ai connu Bernard CABASSON aussi, et Jean MERCY aussi. Ils venaient tous les deux à la ferme. Et après, à [Mitrébeudet] [41] quand ils ont déménagé.
S.A. : Je parlais de la communication avec les lettres, mais ils se sont vus en fait.
M.G-S. : Oui, ils venaient.
S.A. : Assez régulièrement ?
M.G-S. : Une fois par an ou une fois tous les deux ans.
S.A. : Et ceci assez régulièrement ?
M.G-S. : Non, çà faisait longtemps qu’on ne les avait plus vus.
S.A. : Il est décédé en 95...
M.G-S. : La dernière fois que je l’ai vu, c’est dans les années 80. Même pas, c’était avant 80.
D.S. : Monsieur CABASSON, on a retrouvé son acte de décès.
S.A. : Sans indiscrétion, vous aviez quel âge quand vous l’avez croisé, Jean CABASSON ?
M.G-S. : Dès le début et jusqu’au bout.
S.A. : Dans les années 80, vous aviez quel âge à peu près ?
M.G-S. : En 80, j’avais 20 ans.
P.M. : Vous ne vous souvenez pas des discussions ? Si, ils discutaient « anciens combattants » ?
M.G-S. : Ils reparlaient de ça et grand-père en pleurait encore. C’était difficile.
S.A. : Visiblement, ils étaient très amis.
M.G-S. : Oui, oui, ils étaient très amis.
S.A. : La preuve est que Jean de NEYMAN parlait du « petit ».
P.M. : Donc ils parlaient de leurs faits d’armes.
M.G-S. : Oui.
S.A. : Ils racontaient leur Résistance. Est-ce qu’il racontait sa Résistance d’ailleurs ? Est-ce qu’il racontait ce qu’il avait fait ?
M.G-S. : Non.
S.A. : De quoi ils parlaient en fait ?
M.G-S. : Il dit qu’il avait caché des armes sous le tas de pommes de terre. Les Allemands avaient cherché mais n’avaient pas trouvé.
S.A. : Il racontait quoi après ? Il racontait qu’il avait hébergé Jean ? Il racontait l’histoire ? Il racontait que Jean de NEYMAN était là ? Le professeur, etc.
M.G-S. : Oui, oui.
S.A. : En fait ce que je veux dire : on a un témoignage de Joseph GERGAUD. Est-ce qu’il y a des éléments en plus que vous, vous pouvez nous apporter en plus, écrits ou pas ? Parce qu’en fait, ce n’est pas tout jeune, c’est vieux, c’est ancien et, voilà, on y pense pas... c’était ça l’idée en fait.
Mais les documents sont top vraiment.
M.G-S. : Je n’ai rien de plus en fait. De qui l’a marqué, c’était surtout quand il était au camp de prisonniers.
D.S. : À côté de Montoir.
M.G-S. : Oui.
S.A. : En fait ce que l’on a vu, c’est que Jean de NEYMAN a été emmené à la Villa Rosario. La Villa Rosario, c’est une villa de La Baule où il y avait la S.S. qui torturait. Ça, on le sait. La Villa Rosario était très connue pour, qu’une fois les Résistants arrêtés, ils passaient systématiquement par la Villa Rosario ; ce qui est le cas de Jean de NEYMAN.
M.G-S. : Mais mon grand-père n’est pas passé là.
S.A. : Justement, c’est pour ça que je me demandais. Pour le coup, j’ai une trace écrite [42].
M.G-S. : Je sais qu’il était resté trois jours sans manger et qu’il avait été attaché.
S.A. : Où ça ?
M.G-S. : Dans le camp à Gron, et puis qu’il avait été libéré.
S.A. : Au bout de trois jours ?
M.G-S. : Non, bien après.
D.S. : 45 jours.
M.G-S. : Et quand il est revenu, il a fait le chemin à pied, à toute vitesse jusqu’à Kermichel sous une pluie battante. Oui, parce que j’ai su qu’il était rentré trempé. Mais c’est tout ce que j’ai su.
S.A. : Lui, il a été au courant de l’exécution de Jean de NEYMAN uniquement après son retour de captivité. C’est çà ?
M.G-S. : Certainement. Il n’a pas dû le savoir tout de suite !
P.M. : Si, çà se pourrait.
S.A. : Et autrement, quand il était interné à Gron, il y avait d’autres personnes du même réseau que lui ? Il ne vous a pas parlé de çà ?
M.G-S. : Et bien non.
S.A. : Type Jean MERCY, type LEGUEN ou type CABASSON ?
M.G-S. : Je n’ai pas l’impression qu’ils soient partis avec lui.
P.M. : Non, ils ne sont pas partis avec lui, mais tu as raison d’avoir posé la question.
M.G-S. : Ils ne devaient pas être là quand les Allemands ont débarqué le soir. Ils n’étaient pas là, Jean MERCY et...
P.M. : Non, il y avait les deux Allemands, Joseph GERGAUD et Jean de NEYMAN, et puis la grand-mère.
S.A. : Il nous maque le témoignage de Bernard CABASSON pour le coup.
M.G-S. : C’est Georges, Bernard CABASSON. Il a deux prénoms.
D.S. : Est-ce que vous avez retrouvé la famille de Bernard CABASSON ?
P.M. : Non aucun.
D.S. : Et la famille de NEYMAN non plus n’avait pas de liens entre les deux familles ?
P.M. : Non.
D.S. : Parce qu’il était médecin très connu à Paris.
P.M. : Çà on le sait, mais on n’a pas de contact. D’ailleurs, c’est vous qui m’avez envoyé des liens.
D.S. : Oui, j’ai essayé de regarder un peu sur internet. On retrouve des articles scientifiques sur l’amiante. C’est intéressant.
S.A. : Par contre ce qui serait intéressant, c’est effectivement de retrouver des membres de sa famille qui pourraient témoigner, qui pourraient raconter son histoire.
P.M. : On peut peut-être voir avec l’éditeur s’il a des traces, l’adresse ? Il a écrit un bouquin CABASSON.
D.S. : Ah oui sur le sujet de l’amiante.
S.A. : Apparemment, il s’est marié en Seine-et-Oise, avec le faire-part de mariage que vous avez. Il est marié en région parisienne. Après, visiblement, il a vécu là-bas. Il a été médecin à la sécu. C’est ça ?
D.S. : Oui c’est ça.
S.A. : Donc, à Paris ; enfin sans doute ! Et pour le coup retrouver les descendants derrière via...
M.G-S. : Il doit y avoir ses enfants encore en vie.
S.A. : Oui, bien sûr.
[...]
S.A. : Donc ils auraient 70 ans, ce qui n’est pas vieux ! Ce sont les enfants directs de quelqu’un qui a participé à...
M.G-S. : Oui. Donc il faut retrouver le nom de sa femme.
S.A. : Là, on a l’acte de mariage donc on va retrouver sur les archives. Par exemple, pour votre grand-père, on a retrouvé l’acte de naissance, donc je retrouve l’acte de mariage. On a à peu près 1933, sur Herbignac, il n’y en a pas beaucoup. C’est assez rapide.
M.G-S. : C’est tout.
P.M. : C’est beaucoup !
S.A. : Oui, c’est beaucoup. Vos documents cela ne paraît pas grand-chose, alors que je pense que c’est important. D’abord la photo de Joseph GERGAUD ; moi, je ne connaissais pas. Tu connais toi ?
P.M. : Non pas du tout.
M.G-S. : Laquelle ? La dernière que vous voulez voir ?
S.A. : Peu importe.
M.G-S. : Là, c’est la dernière. Là, il chante [43]. C’est lui ça !
S.A. : Et à la fois ses photos de mariage... En fait, on donne un visage à une histoire que nous, on connaît plus ou moins. Enfin, Patrice la connaît beaucoup mieux que moi d’ailleurs !
M.G-S. : Là, c’est à l’armée [44]. Il est là.
S.A. : D’accord ! Et c’est toujours intéressant d’avoir des visages sur des noms.
P.M. : C’est pour ça, je vais scanner, si vous me le permettez, les photos. On se revoit encore une fois. On prend le temps. Moi, je fais des photocopies et puis on dira : « il est là, à tel endroit... » et ainsi de suite. Par exemple sur la photo des militaires, je ne vais pas le reconnaître. Donc il faut qu’il soit identifié.
D.S. : Oui.
M.G-S. : Là oui.
P.M. : Parce que, [...]comme ça, quelqu’un va peut-être se reconnaître et dire « c’est mon grand-père sur la photo avec... ». C’est comme ça, de fil en aiguille, on peut arriver à faire des choses.
D.S. : Et Jean MERCY, il est resté dans le coin ? Il a de la famille ?
M.G-S. : Ah oui. Sa mère était à Guérande. Elle travaillait au cabinet médical, rue Bizienne, mais après, on n’a plus eu de nouvelles. Ma grand-mère la voyait souvent. Mais je pense qu’il est mort assez jeune lui.
D.S. : Il avait des enfants.
M.G-S. : Je ne sais pas du tout.
D.S. : Et ta mère ne serait pas ?
M.G-S. : Non, je ne crois pas. Je lui ai demandé qui c’était, mais elle ne se souvient plus beaucoup.

S.A. consulte son ordinateur

S.A. : J’ai un Jean MERCY... Mais en fait il y en a trois pages... Il n’y a rien au Service Historique de la Défense à Vincennes ! En fait quand vous faites un dossier de Résistant, ce dossier est présent au Service Historique de la Défense à Vincennes. Donc, là, il y a 150 000 dossiers, je ne peux pas...
M.G-S. : Mais est-ce qu’il a été reconnu comme Résistant ?
S.A. : Non. Il n’a pas fait la demande. Votre grand-père ?
M.G-S. : Non, Jean MERCY.
S.A. : Alors, si j’en ai un, mais je n’ai pas sa date de naissance donc...
M.G-S. : Et nous ne savons pas où il est né, nous. Est-ce que c’est quelqu’un qui est venu dans la région et qui venait d’ailleurs ? Je ne sais pas !
D.S. : MERCY, ce n’est pas un nom du coin.
S.A. : Non, et justement lui, il est né à Audun-le-Roman, à Nancy. Date de naissance 2 avril 1925, ce qui pourrait coller avec CABASSON qui est à peu près du même âge. Mais son réseau de résistance n’a rien à voir. C’est [Terre d’Adienne], je ne sais pas ce que c’est ça, affilié comme « O » au 1er janvier 44. Il y a trois pages. J’ai une date de naissance mais je ne sais pas si c’est vraiment lui ! MERCY Jean, il y en a eu d’autres ! Il est né à Audun-le-Roman dans le 54 ; en Moselle c’est çà le 54 ? Meurthe-et-Moselle on va dire [45]. 53 c’est la Mayenne ?
[...]
S.A. : Voilà, c’est tout. En fait, je ne sais pas si c’est lui, si c’est le bon réseau ? En fait, il n’y a que lui à avoir un dossier de Résistant à Vincennes.
Les GERGAUD, j’en ai plein dont le frère de votre grand-père, c’est çà ?
M.G-S. : Georges, oui.
S.A. : 54, c’est la Meurthe-et-Moselle.
Et puis les autres : CABASSON, j’en ai un aussi. C’est là d’ailleurs où vous avez retrouvé un super document comme quoi il était Chef F.F.I. Et puis c’est tout ! Alors, à la fin de la guerre, soit, ils ne connaissent pas la procédure ; si, lui il connaissait la procédure puisqu’il a rempli le dossier. Oui, lui, il fait ça pour compléter le dossier de Georges CABASSON. Donc il connaît : ça c’est l’attestation [46] comme quoi il a bien été Résistant. Donc il connaît la procédure, puisqu’il a fait l’attestation pour son copain !
M.G-S. : Il n’a peut-être pas voulu le faire.
S.A. : Il y a plein de gens qui ne veulent pas en faire, parce qu’ils disent : « j’ai rendu service à la France ».
M.G-S. : Oui, oui : « stop ».
S.A. : Voila, c’est ça. « J’en ai bavé » peut-être ? « Et puis on tourne la page ».
P.M. : Il y en a qui disent aussi : « c’est normal ». Je pense à Odette NILÈS qui a eu sa Légion d’Honneur, elle disait : « c’est normal, pour moi, je n’ai pas réfléchi, on le faisait, et puis c’est tout ».
D.S. : Et du coup, le grand-père, Joseph GERGAUD, il n’a pas de dossier de Résistant.
S.A. : Je vais regarder, je vais le photocopier. Je vais à Paris prochainement. Je dois aller au Service Historique de la Défense pour autre chose. Je vais aller photographier le dossier du frère de Joseph. J’ai fait la capture d’écran de la cote.
[...]
S.A. : Voilà ! Et aussi, de Joseph, Pierre-Marie GERGAUD, né le 23 février 1912 à Herbignac, a fait partie des Forces Françaises Libres, et donc il y a un dossier ; j’ai donc la cote ici. Dont celui de Jean de NEYMAN, il a tété aussi Résistant, il a été reconnu par d’autres personnes qui l’ont reconnu.
P.M. : Est-ce que vous avez entendu parler du nom de Commandant NOËL. Il paraît que l’on appelait Jean de NEYMAN « Commandant NOËL » ? Ça ne vous dit rien ?
M.G-S. : Non. « Commandant NOËL » : non.
P.M. : Et il y a autre chose qui me paraît bizarre, sur laquelle je m’interroge toujours, est que sa dernière lettre n’est pas signée « Jean », mais est signée « Joan ».
M.G-S. : Ah bon ?
P.M. : Oui, tout le monde dit « Jean », mais c’est « Joan ».
D.S. : « Joan », ce n’est pas pour « Jean de NEYMAN » ?
P.M. : Je ne sais pas. J’ai regardé, il y a des origines différentes. Je pose la question, parce que des fois, vous auriez pu entendre des choses.
M.G-S. : Non.
[...]
P.M. : Je veux bien conserver le maximum de choses pour les scanner.
D.S. : Vous pourrez nous les rendre après ?
P.M. : Oui, bien sûr, ça va de soi.
[...]
D.S. : Çà c’est l’attribution de la Croix de Guerre, l’original. Çà ce sont de photos.
[...]
P.M. : Je vous donnerais une pochette plastique spéciale archives. Parce que là, logiquement, vous allez les esquinter.
S.A. : Je suis en train de trembler moi ! En fait, ce sont des documents assez fragiles que vous avez. Et en fait, c’est très important.[...]
P.M. : Ça aussi ça m’intéresse [47].
M.G-S. : Mais il est collé !
P.M. : Est-ce que vous pouvez me prêter votre album ?
[...]
D.S. : Alors, il y a celui-là, ce sont des lettres qu’il écrivait à...
S.A. : Qui est-ce qui a fait cet album ?
D.S. : C’est nous. Ce sont des lettres du grand-père, en fait de Joseph GERGAUD à sa femme.
Après, çà, c’est un courrier d’Auguste qui a été tué dans le bateau, dans le torpilleur. Ça c’est un courrier d’Auguste aussi...
[...]
M.G-S. : La photo de mariage [48], vous l’avez ?
P.M. : Non je ne l’ai pas !
S.A. : Il y a le témoignage ? Ah oui, c’est bien. En fait, je l’ai eu, là, c’est fini. En fait il n’y a pas grand-chose.
D.S. : Là il y a des photos du grand-père, la grand-mère, le grand-père.
S.A. : GERGAUD ?
D.S. : GERGAUD, oui.
Là, c’est la photo de mariage, là, c’est la grand-mère Rosalie.
P.M. : Et vous ne pouvez pas me le confier ?
D.S. : Si. L’album, si.
[...]
S.A. : Tu scannes tout et après on fait le tri.
P.M. : Je ne vais peut-être pas scanner tout, mais il y a des trucs qui sont importants. Je ferais toutes les photos et puis on verra après comme on a dit.
D.S. : Oui. Il n’y a rien de confidentiel. Ne vous inquiétez pas !
[...]
D.S. : [...] Ah oui, çà. Il y a les courriers de Jean CABASSON. Bernard, pardon...
S.A. : La photo là c’est quoi ?
M.G-S. : Là c’est Michel. C’est juste l’année où il est décédé. Le dernier fils. Donc il avait 22 ans.
S.A. : Donc c’est votre oncle ?
M.G-S. : Oui. Il s’est tué dans un accident de voiture.
S.A. : Ici, dans le coin ?
M.G-S. : Oui. Sur la route de Saint-Molf - Guérande.
D.S. : C’était un brave gars.
M.G-S. : C’était un brave.
S.A. : Surtout si jeune en plus.
P.M. : Bon, ben, je vais fermer le magnéto, là.

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Indexations

  • Personnes citées : [LE COURTOIS], [MARGOULET], Pierre BERTOQUY, Félix BOURBOUSSON, Bernard CABASSON, Georges CABASSON, CHAMPSAVIN, Gaston DAVID, Dominique DE NEYMAN, Jean DE NEYMAN, Marie DE NEYMAN, Louis DESMARS, Sidonie FRESCHET, Auguste GERGAUD, Clément GERGAUD, Georged GERGAUD, Joseph GERGAUD, Marie GERGAUD, Maurice GERGAUD, Michel GERGAUD, Pierre GERGAUD, Rosalie GERGAUD, Martine GERGAUD-SABEL, Henri GUIBERT, Marcel GUIBERT, GUIBERT, Joachim HENNIG, JAGAUD (docteur), Guy KRIVOPISSKO, Jean LEGUEN, Marcel LEGUEN, MABILEAU, Rose MAJERCZAK, Jean MERCY, Patrice MOREL, Yannick MOREL, Odette NILÈS, NOËL (commandant), Pierre-Marie RENAUD, Dominique SABEL, Joan.
  • Département, villes et lieux-dits cités (en rapport ou non avec la seconde guerre mondiale)  : Allemagne, Audun-le-Roman, Bissin (ferme), Coblence, Franco (camp), Gron, Guérande, Heinlex, Herbignac, Kermichel (ferme), La Baule, La Touchelais (camp), Meurthe-et-Moselle, Montoir, Nancy, Paris, Paris, Pologne, Rosario (villa), Saffré, Saint-Molf, Saint-Nazaire, Savenay, Toutes-Aides (cimetière), Ville-aux-Bras, Vincennes.

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