Collectif Jean de Neyman
La Résistance en mémoire

Site de recherches sur la vie de Jean de Neyman, Résistant, fusillé le 2 septembre 1944 à Saint-Nazaire (Heinlex) en Loire-Inférieure (Loire-Atlantique aujourd’hui) - France.

La Résistance à Saint-Lyphard (44)
Article mis en ligne le 20 octobre 2023
dernière modification le 17 décembre 2024

par Patrice

Saint-Lyphard est une commune à une dizaine de kilomètres de Saint-Molf, où le quartier général de la Résistance locale se trouvait, dont Jean en tête.
La recherche avait pour objectif de connaître comment Jean de Neyman a résisté avec son équipe en région de Saint-Molf. Il s’est avéré que nous avons appris peu de choses sur le sujet.
Par contre, la vie dans la poche de Saint-Nazaire permet de connaître l’esprit qui y régnait. Délibérément nous vous présentons l’intégralité du témoignage.
Bien-sûr, à propos de Jean, les connaissances ont évoluées maintenant... mais pas tant que çà !

Histoire de l’entretien

Nous avons pu retrouver Marcel LEGUEN à Saint-Lyphard, frère de Jean LEGUEN qui était compagnon de Résistance de Jean.
Marcel est né le 8 octobre 1929 et avait donc plus de 14 ans au moment de l’exécution de Jean (2 septembre 1944).
Olivier LE CLERC, vidéaste, et Patrice MOREL, chercheur sur la vie de Jean, ont été accueillis par Marcel et son épouse Paulette, dans leur demeure le 24 septembre 2013.
Si un plan d’interview a bien été préparé, celui-ci a été vite dépassé par l’envie de communiquer ! Nous vous laissons donc visualiser l’intégralité de cet entretien si vous le désirez. Il porte globalement sur :

  • La Résistance en Poche de Saint-Nazaire
    • Base sous-marine
    • La Poche
    • "Opération Chariot"
    • Les bombardements ("les apprentis")
  • La vie avec les soldats allemands
  • Les déserteurs allemands
  • La Libération
  • La vie des prisonniers allemands (déminage)

  • Présents : Olivier LECLERC (vidéo et son) et Patrice MOREL en interview chez Marcel et Paulette LEGUEN
  • Remerciements à : Olivier LECLERC pour le premier jet de la description et Catherine MOREL pour les corrections.

En résumé, concernant Jean de Neyman

Il est certain que Jean résistait à Saint-Molf et ses alentours. Jean Leguen, qui a un lien de famille avec l’épouse de Joseph Gergaud (Rosalie Guibert), ne semblait pas être sous son commandement, mais faisait la navette entre lui et Pierre Litoux, maire et Résistant reconnu à Saint-Lyphard. Jean avait une radio pour communiquer avec les Anglais.
Après son arrestation la ferme a bien été pillée et mitraillée. La maison actuelle, à Kermichel, a été construite après la guerre et n’a rien à voir avec l’architecture de la ferme.
Pour ce qui est du second déserteur allemand, qui a pu s’enfuir, il a été hébergé chez Jean Leguen (ses parents) et a été conduit, à pied, à Guenrouët, où il s’est rendu aux forces alliées en présence.

La vidéo

Durée de la vidéo : 1:27:15

Outils

Transcription

Marcel Leguen : Alors, qu’est-ce que vous voulez savoir exactement ?
Patrice Morel : Déjà, vous êtes bien Marcel Leguen ?
P.M. : Donc vous êtes le frère de Jean ?
M.L. : Alors, j’avais deux frères : Jean, notamment. Il y en avait un qui s’appelait Pierre Leguen, qui a été déporté et qui est mort en déportation et le deuxième Jean Leguen, qui lui a vu la fin de la guerre. Mais c’était lui qui était concerné, justement avec de Neyman.
P.M. : Avez-vous connu Jean de Neyman ?
M.L. : J’ai failli le connaître, parce que Jean de Neyman, je l’ai su - évidemment, parce qu’à l’époque, c’était la guerre - et même mon frère me disait quelques mots comme ça, mais enfin, c’était secret. J’ai failli... il devait me donner des leçons privées ; parce qu’il était professeur là.
Et puis à l’époque, on avait des transports inexistants, des vélos principalement, puis à pied surtout. Et finalement, je n’y suis jamais allé parce que moi, parce que je travaillais dans une ferme.
Et il habitait à Kermichel, chez un cousin à moi, qui s’appelait Joseph Gergaud.
P.M. : Il habitait Kermichel alors ?
M.L. : Vous connaissez la ferme de Kermichel ?
P.M. : Non, on va y aller tout à l’heure.
M.L. : Je vous dis où c’est.
Alors, moi, je savais qu’ils étaient là-bas, parce que mon frère Jean, lui, faisait partie un petit peu du clan. C’est par lui que j’ai eu des bribes de conversation. Alors, donc, je n’ai jamais connu de Neyman. Mais je savais qui il était... Il y avait un jeune de la Baule - je ne sais pas son nom - qui faisait partie aussi du clan, là-bas.
Mon cousin, Joseph Gergaud, lui, avait donc sa femme, qui s’appelait Rosalie, et deux enfants. J’ignore dans quelle condition il a pris contact avec de Neyman, mais mon cousin était un... comment dirais-je ? - il n’aimait pas les Allemands. D’abord, il ne disait jamais les Allemands, il disait les « boches », toujours. Bon, alors, j’ai su qu’il y avait deux déserteurs allemands dans l’équipe. Dont un, qui était sorti par un type de la base sous-marine. Mais les conditions ! je ne sais pas comment ça s’est passé.
Je sais comment ça s’est passé, par contre, quand les Allemands ont découvert le réseau. Parce que la ferme de Kermichel, à l’époque, c’était une fermette - maintenant, c’est une maison individuelle - mais à l’époque, c’était une petite fermette. Il y avait 5 à 6 vaches - enfin, bref - et c’est retiré de la route de Guérande à Herbignac.
Alors, ils avaient interdit, aux deux déserteurs allemands, d’aller sur la route, évidemment ! Mais il y en a un qui, c’était plus fort que lui, est allé se promener sur la route et il y a une patrouille allemande qui est passée, à l’époque - c’était pendant l’empochage, en 1944 - Et, ils l’ont vu à sa démarche, c’était bizarre, ils l’ont interrogé. Comme il ne parlait pas le français, il parlait allemand. Alors il a été emmené à Guérande, interrogé et le soir même, les Allemands sont venus, ils ont entouré la maison, ils ont criblé la maison de balles de mitrailleuses, de mitraillettes. C’est là qu’ils ont dû arrêter de Neyman et mon cousin. Et Jo Gergaud a été condamné à mort lui. Il a été interné au camp Franco, à Montoir, mais il a survécu puisque c’était la fin de la guerre. Jean-de Neyman a lui été emmené, je crois que c’est à Heinlex.
Alors, ce que je vais vous dire aussi, c’est que sur les deux Allemands, les déserteurs, donc il y en a un qui a été arrêté par les Allemands. Et le deuxième, c’était un type, un jeune, moi je l’ai vu, il est venu ici chez ma mère, mon frère l’a l’amené à pied de Kermichel à ici. Et il est resté chez nous, là, la maison est à 300 mètres d’ici, là. Il est resté pendant plusieurs jours. C’était un blond, il avait 23 ans, je crois, et il ne parlait pas le français. Alors, j’ignore comment mon frère pouvait s’exprimer avec lui, mais en fait, toujours est-il, c’est mon frère qui l’a emmené à pied. Il est resté dans la maison, il couchait dans le grenier, il faisait ses besoins et tout dans le grenier, et interdiction de descendre.
Ma mère était un petit peu choquée pour deux raisons, parce que j’avais une sœur qui avait une vingtaine d’années et un type de 23 ans dans le grenier, vous voyez ce que je veux dire... Alors ma mère était un petit peu inquiète à cause de ça. Alors elle a exigé de mon frère qu’il s’en débarrasse. Ce qu’il a fait - ça s’est passé comme ça : ils ont décidé de partir à Guenrouët, au canal de Nantes à Brest.
Alors ils sont partis à pied. Ils avaient un signe, mon frère marchait devant, et s’il y avait une alerte sur la route, il sortait son mouchoir. Et ils faisaient comme si, enfin bref, et l’autre se cachait dans le fossé.
Ils sont arrivés quand même, comme ça jusqu’à Guenrouët. Et à Guenrouët, cet Allemand là, est parti à la nage, il a traversé le canal et il est allé se rendre au forces... américaines ou françaises, je crois, qui étaient là-bas. Puis on l’a perdu de vue, on n’a pas su exactement, il paraît que ça n’a pas été très clair de l’autre côté, mais je ne peux rien dire de plus. Donc il a vécu chez [Isil], et mon frère l’a rapatrié de chez Joseph Jergaud, parce qu’ils avaient des munitions, ils avaient des grenades, ils avaient 2 mitraillettes et 200 cartouches. Alors ils ont ramené ça ici, à Kervy chez Pierre Litoux [1], qui était maire de Saint-Lyphard.
Mais Pierre Litoux ne faisait pas partie du clan à de Neyman, mais ils étaient quand même résistants. Alors mon frère, lui, qui avait des contacts avec les deux, a tout ramené ici, en accord avec Litoux.
Il y avait des grenades, il y a un sac de grenades qui est venu ici, chez ma mère, je vous expliquerai après les grenades, je serais bref.
Donc, moi, c’est tout ce que je sais, j’ai appris, mais longtemps après, que de Neyman avait été fusillé. Mais longtemps après, parce que ça a été les communications à l’époque. Alors au mois de juillet 1944, donc mon frère aîné, lui, a été arrêté par les Allemands ici, à Saint-Lyphard, et on l’a perdu de vue jusqu’à la fin de la guerre.
On a su qu’il avait été emmené dans un camp à Neuengamme, à côté d’Hambourg, où il est mort. Il travaillait à Wilhelmshaven.
Bon, ceci dit...
P.M. : Le frère aîné, c’est Jean, hein ?
M.L. : Alors mon autre frère Jean, lui, par contre, était toujours au contact avec Pierre Litoux ici. Mais il était à un rang très modeste. Il a transporté des munitions quand même, parce que, à Kermichel, j’ai appris, toujours par mon frère, pas par mon frère aîné, parce que lui, il était muet, mais l’autre, j’ai appris que les Allemands allaient déterrer les mines dans les champs de mines, les mines Teller [2], les mines assiettes en Allemands. Et ils avaient donc récupéré des munitions de ça.
Alors, moi, je ne le sais pas plus, hein !
À la fin de la guerre, je parle des grenades là, quand après le 8 mai 45, on les a fait exploser ici et là.
Il y en avait, je crois, une bonne quinzaine.
Alors, il y avait les grenades à manches, allemandes, qui étaient les plus dangereuses, avec un manche en bois. Et il y avait les grenades qui étaient comme des citrons, mais couleur noire, avec un bouton bleu, en plastique - enfin, il n’y a pas de plastique à l’époque, mais enfin... - alors avec mon frère, on les a fait exploser. Et on avait eu une surprise : dans les grenades, il y en avait une, fumigène et une grenade à manches. Alors, on dégoupillait la grenade, on la balançait, il y avait des murs qui faisaient 40 centimètres d’épaisseur. On se cachait derrière, on attendait, puis on comptait jusqu’à 6. Et « vlam », ça pétait !
Alors on allait voir. Et puis, là, la grenade fumigène, on n’entendait aucune détonation. Alors, on sort - oh là là ! - un nuage de fumée qui est allé jusqu’à [Kerio], là-bas.
C’est là qu’on a su qu’il n’y avait qu’une seule grenade fumigène. Et puis, on a fait tout péter le long, comme ça.
P.M. : Là, c’était après le 11 mai. Parce que c’est le 11 mai, ici, que s’est signé la reddition à Bouvron.
M.L. : C’était plusieurs jours après. Ah oui, oui, oui, parce que moi-même, j’ai été arrêté par les Allemands aussi. J’ai fait deux semaines de prison à Saint-Nazaire. Alors attendez, l’armistice a été le lundi [3], 8 mai. Et moi, j’ai été libéré le vendredi, avant.
J’ai failli partir en camp de concentration aussi. Oui, parce que je ne savais pas - Je ne voulais pas parler de moi - mais j’avais déterré des... dans d’une tranchée anti-char, il y avait des mines anti-char. Et moi, je ne le savais pas. Et puis, il y a un Allemand qui m’a pris en flagrant délit. Je cassais les petits murets qu’il y avaient où étaient cachées les mines. Mais moi, je ne le savais pas !
Toujours est-il qu’après la guerre, donc, pour revenir aux grenades, mon frère m’a dit, « tu viens avec moi » - la maison n’est pas loin, elle est à 300 mètres - À l’époque, la maison était couverte en chaume, et il y avait une espèce de grange, on appelle ça une grange, qui n’appartenait pas à ma mère, mais dans laquelle, on était bien obligé de passer, puisque c’était un lieu de passage. C’est celle-là qui nous a servi d’abri pour lancer les grenades. Alors voilà, tout ce que je sais !
P.M. : J’ai des noms comme çà... (P.M. montre la photo de Jean) çà c’est Jean de Neyman, des fois, que vous...
M.L. : Je l’ai su, parce que je vais voir, des fois, la cérémonie.
Et je n’ai jamais vu. Je n’ai jamais vu. Je répète : normalement, ils devaient me donner des cours. Mais ça ne s’est jamais fait, parce que je n’avais pas les moyens de transport pour y aller. Et puis, lui, il ne se déplaçait pas.
P.M. : Parce que, dans un truc, comme dit, je reviens, sur quelque chose que vous m’avez dit, il habitait à Kermichel, c’était le poste de commandement et son habitation ? Parce qu’il y en a qui disent qu’il habitait qu’à Kerjean.
M.L. : Je ne peux pas vous dire. C’était là qu’était le poste de commandement. Oui ! Mais lui, je ne sais pas s’il habitait là.
P.M. : Ou Kerjean, c’est à côté aussi. Non ?
M.L. : Je ne sais pas. Comment ? Kerjean, la ferme de Kerjean. Je ne connais pas, non ? Non, je vous expliquerai tout à l’heure, où était la ferme de Kermichel.
Mais je sais que... Donc, ils étaient là, mais ça ne veut pas dire qu’ils... Bah, les Allemands étaient là, eux autres. Les Allemands étaient dans la maison, parce qu’ils étaient interdit de circuler.
P.M. : On dit que ça a été pillé et tout ça.
M.L. : Je ne sais pas.
P.M. : Sinon, si je vous parle de... - bon, Joseph Gergaud, il n’y a pas de problème - Bernard Cabasson, ça vous parle ? Jean Mercy ? Et, Jean Leguen, vous connaissez, bien sûr.
M.L. : Alors, il y a un Baulois. Je me rappelle, j’ai entendu dire qu’il y avait un jeune Baulois avec eux. Mais je ne connais pas son nom. Quand je dis un jeune Beaulois, c’était un garçon qui devait avoir entre 20 et 25 ans. Mais je ne l’ai pas connu. Je ne l’ai jamais vu, puisque je n’ai pas vu de Neyman. Mais j’avais entendu dire qu’il faisait partie aussi de la bande.
P.M. : D’accord. Il y avait un déserteur aussi, que l’on dit Tchèque.
M.L. : D’après ce que je sais, ils étaient quatre. Donc, de Neyman, le Baulois, et deux Allemands. Et puis, mon frère qui faisait la navette, lui, entre Saint-Molf et Saint-Lyphard. Mais mon frère ne couchait pas là-bas, lui. Lui, il venait ici, on avait la maison, on habitait ici, nous. Ma sœur d’ailleurs restait dans le [?]. Moi, je n’y étais pas, parce que je travaillais dans une ferme. J’avais 14 ans. À cette époque. Il fallait surtout manger. Donc, c’est pour ça qu’on était dans les fermes.
J’ai même appris qu’à la fin de la guerre qu’il était communiste. Je ne le savais pas.
P.M. : On dit que c’était un des principaux animateurs de la résistance. Que c’était lui le chef Jean de Neyman, vous ne le savez pas ?
M.L. : Parait-il, sous toute réserve, parait-il qu’il communiquait avec Londres !
Mais alors là, je ne peux pas vous le dire. Si ils communiquaient, c’est qu’ils avaient une radio ? Automatiquement. Mais c’est assez vague. Parce que mon frère ne me racontait pas tout, quand même. Attention, c’était...
P.M. : Bien sûr. Mais ça vous le tenez de votre frère qu’il communiquait avec...
M.L. : Ben mon frère Jean faisait la navette. C’est lui qui me racontait.
Il savait très bien que ce n’est pas moi qui allais raconter ça à tout le monde. Par contre, mon autre frère, lui, c’est comme une carpe, il ne disait pas un mot. On n’a jamais su de ses activités. Il travaillait un petit peu indépendamment... en-dehors !
P.M. : Votre frère aîné ?
M.L. : Mon frère aîné.
Quand il a été arrêté, il avait des armes sur lui, et il a été arrêté sur la route de Saint-Nazaire à Saint-Lyphard, à 800 mètres de là. Mais on n’a jamais su exactement... Enfin, il est considéré comme déporté politique.
P.M. : Son prénom, c’est comment déjà ?
M.L. : Pierre, Pierre-Marie Leguen. D’ailleurs, il y a une cérémonie à Saint-Lyphard, qui a été faite il y a 5-6 ans, 7-8 ans, peut-être. Son nom est au monument aux morts maintenant.
Parce que c’était Monsieur Litoux, parce que nous, on l’appelle Pierre Litoux, parce qu’on le connaissait très bien. Monsieur Litoux était chef d’un réseau. Lui s’est beaucoup occupé de notre famille. Il s’est occupé de me faire libérer de prison de Saint-Nazaire aussi. Il a tenté. Est-ce qu’il a réussi, je ne sais pas, mais comme la guerre était finie, j’ai été libéré le vendredi, je le répète. Ils savaient que la guerre était finie.
Parce que... C’est long, il y a... À Trécrelin, il y avait 6 Allemands qui gardaient un canon. Un canon de 88. Alors moi, je les connaissais les Allemands. Et j’ai appris à parler allemand avec eux d’ailleurs. Oui, mais attention, c’étaient des ennemis. On avait des contacts avec eux, mais ce n’était pas amical, hein. C’était... C’est tout !
Mais Pierre Litoux, lui, pendant l’empochage, il traversait les lignes pour aller à Nantes. Il était même un petit peu culotté, comme on dit. Il s’est permis de fumer des cigarettes de troupes devant les Allemands qui habitaient dans son château. Des cigarettes de troupes de l’armée française. Oui, il était culotté.
Mon frère aussi avait un petit pistolet 6.35 qu’il gardait dans sa casquette. Litoux aussi, avait un revolver... Je l’ai vu ! Si j’en parle, c’est parce que je l’ai vu. C’était des 6.35, à barillet.
P.M. : Ça s’écrit comment « Lito » ?
M.L. : L-I-T-O-U-X.
C’était un monsieur très bien. Il a été député après la guerre. Alors lui aussi n’aimait pas les Allemands. À Kervy, c’est un petit château. Et dans son château, il y avait des officiers qui y résidaient. Il s’est permis de faire des choses qui étaient à mon avis un petit peu gonflées. Mais bon, il en a réchappé. La guerre s’est terminée.
Il ne faisait pas partie du clan à de Neyman. Je le répète.
P.M. : Oui, d’un autre réseau.
M.L. : Ils étaient peut-être, pas en relation. Si ils étaient en relation, c’est par l’intermédiaire de mon frère. C’est tout. C’est mon frère qui a récupéré toutes les armes. Pas les mines anti-chars - je ne sais pas ce que c’est devenu çà - mais les mitraillettes, il y avait 200 cartouches, paraît-il. Je n’ai jamais su ce qu’elles sont devenues après. Ça a été récupéré, ça a été amené à Kervy. Puis après : mystère !
P.M. : Sinon, au niveau des actes de résistance, vous en avez entendu parler de choses qu’ils auraient fait ?
M.L. : Ah non, non. Ah non, non. Ça se passait... Ah non, non.
Vous savez, c’était ultra secret, parce que même à la libération, on a vu des gens, on était tous surpris de savoir qu’ils faisaient partis des F.T.P., des Francs Tireurs Partisans. Mais, non, c’était secret, là. Je vous rappelle, j’avais 14 ans, quand même...
P.M. : Vous êtes né en quelle année ?
M.L. : 8/10/1929
P.M. : C’est pour boire le champagne du jour de votre anniversaire (rires).
M.L. : Oui. Donc, en 44 j’avais 15 ans.
Ouais, c’est ça. Mais Kermichel, j’y suis retourné une fois. Il n’y avait personne, je n’ai pas pu parler aux gens. Parce que j’ai travaillé chez Joseph Gergaud. En 1943, j’ai passé plusieurs mois, chez lui, je gardais les vaches, surtout, parce qu’il avait 2 enfants, mais l’aîné avait 8 ans. Le deuxième avait 5, 6 ans. Alors, moi, je gardais les vaches, et je donnais un coup de main à la maison, à faire la cuisine...
Alors après, je suis parti à l’île Dumet. Oh, c’était pas loin. C’est à côté de Montpignac à Saint-Molf, entre Saint-Molf et Kermichel. Et ça devait être une personne qui devait être de la famille à la femme de Joseph Gergaud. C’est comme ça que j’ai su... alors, là, c’était une grande ferme, donc, ma présence était plus utile dans cette grande ferme, parce que j’étais, une bouche de moins à nourrir, dans la petite maison. Bah oui, elle était pas riche.
P.M. : Et donc Kerjean, ça ne vous dit rien ; la ferme de Kerjean.
M.L. : Je ne connais pas, non. Ça ne me dit rien du tout.
Je sais que... Non, je ne peux pas vous parler de çà ! Attendez, je vais regarder sur le calendrier.
La ferme de Kermichel, il y a le carrefour.
Vous l’avez le plan. Voilà, c’est là, il y a le fameux carrefour, c’est bien ça.
P.M. : Et là, il y aurait la ferme de Kerjean.
M.L. : Non, je ne connais pas.
P.M. : Parce que, on m’a dit, j’ai lu, mais il faut que je me renseigne plus amplement. Qu’il habitait Kerjean, et que le poste de commandement était à Kermichel.
M.L. : Alors là, je ne peux pas vous dire. Non, je ne suis pas au courant.
Alors, attendez... Saint-Molf, Le Binguet...
La ferme où je suis allé, elle n’est pas marquée, mais c’est par là. C’est du côté de Montpignac. Parce que, j’ai assisté, bien sûr, comme tout le monde, au bombardement, sur Saint-Nazaire, et on voyait passer les avions. Parce qu’ils arrivaient par l’île Dumet. Je m’en souviens de ça.
P.M. : Bon, c’est bien. Vous n’avez pas des photos de l’époque à tout hasard, de la ferme, de tout ça, de...
M.L. : Alors, mon cousin, parce que c’était un cousin. Pour dire quel degré de parenté nous étions, la mère de Gergaud et ma grand-mère étaient sœur. Alors, à l’époque, nous avions des relations plus soutenues, quand même.
Parce que Joseph Gergaud avait deux frères. Il y en avait un qui est parti en Angleterre, et je crois qu’il a fait partie de la 2e D.B. [4] du Général Leclerc, après. Le 3e a été tué quand il y a eu le [ciel] de Dunkerque, il était marin à bord d’un torpilleur. Le torpilleur a été coulé, puis lui, il a été tué.
Alors, celui qui était parti en Angleterre, évidemment, on l’a revu qu’après la fin de la guerre.
Et j’ai perdu mon cousin Gergaud, parce qu’après, il a été libéré, puis moi, j’avais autre chose à faire.
Je l’ai revu des années après. Je sais qu’il était interné au camp Franco à Montoir. Si vous avez entendu parler de ça ? Il a été condamné à mort.
P.M. : Il a été libéré 45 jours après je crois.
M.L. : Et bien, vous en savez plus que moi.
Pour moi, ce sont des souvenirs, parce que ma mère, elle était pas tellement heureuse ici, quand l’Allemand était là.
Alors, je peux vous raconter une anecdote quand même : il y avait interdiction - cet Allemand qui était couché dans le grenier ; enfin, il couchait ; il vivait dans le grenier - et à [Kerio], c’est le village, qui est à quelques centaines de mètres, il y avait un groupe de soldats allemands, mais ce n’était pas des Allemands, c’était les Geogiens. Et les Géorgiens, ils étaient plus pourris que les Allemands. Ils étaient là, ils étaient stationnés là, je ne sais pas pourquoi ! Et un jour, il est quand même descendu du grenier. Est-ce que c’est pour un besoin, pour une réunion ou quoi, j’en sais rien, et il y a un Géorgien qui est arrivé. Il lui a demandé « madame pas là ? », alors, lui, il a répondu, « nix, nix [5] », et puis, ils sont partis. Heureusement, parce que sinon, ma mère risquait d’être fusillée.
Ça, c’est la seule anecdote. C’est pour ça qu’après, elle a décidé et dit : « il faut le faire partir très, très, très vite ».
P.M. : Parce qu’on nous dit, dans ses actes de résistance : « il fait la chasse aux Géorgiens pilleurs de fermes ». Ce sont des pilleurs de fermes ?
M.L. : Bah oui, mais moi, je vous raconte ce que je peux.
P.M. : Non, non, mais c’est très bien. Bon, bah, c’est parfait. Sinon, au niveau des photos, tout ça... vous n’avez pas de photo de l’époque ?
M.L. : Ah non, non, non. Je n’ai rien du tout. Non, non, parce qu’on a payé un lourd tribut puisque mon frère est mort. Mon frère aîné qui a été déporté, il est mort une semaine après la Libération.
On l’a su par internet il n’y a pas longtemps. Mais on ne sait pas s’il a été enterré dans une fosse commune ou pas. On ne sait pas. Et il était à Mauthausen . Euh, pardon, Wilhelmshaven au camp de Neuengamme. On a connu un déporté qui l’a connu, qui habite à La Bernerie. Ils ont fait le voyage ensemble pour aller en Allemagne. C’est tout ce que je sais. Comme il était dans la marine, il travaillait sur le port. Mais on a très peu de détails.
On a su qu’il a été là-bas parce que longtemps après la guerre, on a reçu un colis. Dans ce colis, il y avait un stylo et une bague. Et... Le stylo, c’est ma sœur qui lui avait offert. Il fallait reconnaître les objets qui avaient été récupérés au camp de Neuengamme. C’est comme ça qu’on a su qu’il avait été là-bas ; qu’on a été sûr. Et la bague, c’était... - vous avez pas connu ça vous - pendant la guerre avec des pièces de monnaie, on faisait des bagues avec l’alliage. L’alliage de laiton, enfin je ne sais pas... On fabriquait des bagues.
Et puis mon frère lui, bon... il s’en est réchappé, il n’a jamais rien vu. Il était gonflé parce que... il avait un air, comment dirais-je ? Il n’inspirait pas la méfiance. Alors... Il passait devant les Allemands, puis je ne sais pas... Il faisait ça d’une façon naturelle. Et il ne l’interrogeait pas, il ne fouillait pas, rien du tout.
Une fois, il est passé avec eux, il avait des grenades sur lui, et puis il avait son revolver dans la casquette : un 6.35. Non mais c’était bizarre. Il y a des choses qu’on ne comprend pas ! C’est tout !
Mais avec mon frère Jean, on n’a jamais parlé de lui dans les trucs de Résistance. Il n’a jamais été décoré, il n’a jamais rien eu, il était, comment dire ? Incognito.
P.M. : Et ça ne vous dit rien, les noms de ses copains ? Bernard Cabasson, ça ne vous dit rien ?
M.L. : J’aurais bien aimé connaître Jean de Neyman pour... Non pas tellement pour ça (N.D.L.R. : la Résistance), mais parce que c’était un professeur, et puis moi j’avais envie d’apprendre à l’époque. Parce qu’il parait qu’il parlait l’allemand, couramment, il parlait le français, et il parlait polonais bien sûr. D’après ce que je sais.
P.M. : Tout à fait.
M.L. : Il parlait très bien l’allemand.
Vous avez récupéré des papiers...
P.M. : Oui, c’est sa nièce qui m’a envoyé tous ces papiers. Et ça médaille et tout ça.
M.L. : Vous en savez plus que moi.
Mais... Exactement, je ne peux pas vous dire s’il était doux, s’il était méchant, s’il était brutal...
Olivier Leclerc : Et ce sont des cours de quoi que vous vouliez prendre avec lui ?
M.L. : Ah, je n’en sais rien. Je ne sais pas. Parce que moi, je n’avais qu’un certificat d’études en poche. Alors j’avais envie d’apprendre. Sil n’y avait pas eu la guerre, j’aurais continué mes études. Et puis en plus, bon, j’apprenais assez facilement à l’époque. D’ailleurs, pour la petite histoire, à la fin de la guerre, je comprenais très bien l’allemand. Je parlais... Je me faisais comprendre. Je ne parlais pas couramment. Je me faisais bien comprendre. Mais par contre, je comprenais tout ce qu’ils disaient. Et ça m’a servi, parce que quand j’étais en prison, avec mes copains de cellules, quand les soldats allemands parlaient entre eux, le soir, moi, je leur racontais au gars ce que j’avais entendu. Et quand Hitler est mort, je suis arrivé dans la cellule, puis je dis, « ne vous inquiétez pas, leur collègue, leur chef est mort. Il vient de mourir ». Alors, je leur ai tout appris comme ça, parce que je comprenais très bien. Je connais encore quelques mots, mais je ne peux pas parler. Je me débrouille. Si je vais en Allemagne, je n’ai pas besoin d’interprète. Mais c’est quand même difficile. J’ai appris par les Allemands, parce qu’il y en avait un, c’était un Polonais. Son prénom, c’était Alphonse. Son nom de famille, je ne m’en rappelle plus. On l’appelait toujours Alphonse. Et lui, on s’était liés d’amitié. C’était un Polonais, c’était comme ça, et c’est lui qui m’apprenait l’Allemand. J’avais autre chose à faire. Je n’étais pas toujours... Je travaillais dans une ferme. J’avais un travail quand même. Ce n’était pas évident.
Mais la guerre, ça m’a beaucoup marqué moi.
J’ai des souvenirs de bombardements.
Et puis, nous, nous habitions Saint-Nazaire. Notre maison a été brûlée au bombardement du 28 février, 1943 : 28 février 1943. Et il y a eu des grands bombardements de nuit, par les Anglais. Je déforme un petit peu le truc. Je dévie...
P.M. : Non, c’est bon, c’est bon.
M.L. : Il y avait les bombardements le 28 février, le 21 mars, je crois. Il y a eu 3 bombardements. Mais le 28 février, c’était le plus terrible. Il a duré presque une heure un quart. C’était surtout des bombes incendiaires. Et nous, nous habitons un logement en plein centre-ville, rue du Bois Savary et rue du Maine. Au coin-là. Mes deux frères travaillaient à Saint-Nazaire. Ils travaillaient sur les remorqueurs, ou je ne sais pas quoi. Ils étaient à l’abri.
À la fin du bombardement, il y a 2 bombes incendiaires qui sont tombées sur la maison, dont une qui n’a pas explosée.
Ils ont réussi à sauver quelques meubles de la maison. C’était quand ils sont sortis là que c’était terminé. La maison brûlait.
Sur le palier, il y avait une bombe au magnésium, qui n’avait pas explosé. On l’a ramené ici à Saint-Lyphard et on l’a brûlé.
Vous savez ce que c’est le magnésium ? C’est un métal. Mais on le grattait. On mettait ça dans le feu et ça faisait des flammes blanches.
Alors donc, c’est à ce moment là que mes deux frères ont été obligés de venir ici. Parce qu’ils ne pouvaient plus travailler à Saint-Nazaire. Il n’y avait plus d’habitation.
Et après, ce sont les Américains qui ont pris le relais, mais à la fin de l’année, quand ils y a eu « les apprentis [6] ».
À l’époque, on ne disait pas les B17, on disait les « forteresses volantes ». Et moi, j’ai assisté aux premiers bombardements qui ont tué les apprentis. Je m’en souviens, comme si c’était hier. Et le plus grand bombardement qu’il y a eu, c’était le dimanche 3 janvier 1943. Attendez, que je ne raconte pas de bêtises. Non, non, c’était 42. Au moins de novembre 42, il y a eu les apprentis, là, toujours. Je me trompe dans les dates. Et le dimanche 3 janvier 1943, alors là, c’était un dimanche. Le bombardement a duré presque une heure et demie. Il y a eu dix B17 d’abattus, et je crois que c’est trente-huit chasseurs allemands, ça, c’est vraiment.
Il y avait des parachutes partout dans le ciel. Et à côté de Guérande, derrière chez le magasin Leclerc, il y a eu une stèle qui indique où il y a un B17 qui a été abattu avec tout l’équipage. Ils ont tous été tués. Je crois que c’est marqué.
Il faisait un temps comme aujourd’hui. C’était au mois de janvier, mais il faisait un temps comme aujourd’hui, et à 10 heures, on a entendu les avions arriver - parce qu’ils arrivaient toujours par l’Île Dumet - et puis moi, j’étais à Saint-Molf, tranquille dans la ferme. C’était un spectacle. On était inconscients parce que la D.C.A. [7]. tirait dessus, et il y avait des fois des obus qui tombaient même à Saint-Molf, qui n’explosaient pas.
D’ailleurs, en parlant de ça, à la ferme de Kermichel, il y a un obus de D.C.A. qui est tombé pas loin de la maison, qui n’a jamais été récupéré. On l’a entendu tomber. On a sondé avec une perche, il était au moins 3 mètres de profondeur. Et c’était des obus qui étaient gros comme des litres. Il doit toujours y être.
P.M. : On ne va peut-être pas y aller à la ferme de Kermichel (rires).
M.L. : Non, mais je sais à peu près, à 10 mètres près, je sais où il est tombé.
P.M. : Ah ouais ? Vous ne l’avez pas dit aux gendarmes, ça ?
M.L. : Je n’y suis jamais retourné, je voulais parler aux gens qui habitent dans la maison maintenant. Et puis, il y avait personne. Alors non ! Puis je n’ai peut-être pas voulu les embêter parce que... Vous savez, les jeunes, maintenant...
P.M. : Si vous leur dites qu’il y a une bombe chez eux, peut-être qu’ils vont réagir.
M.L. : Bah, ouais, enfin... Il était profond. Ah ouais, il y en avait qui tombaient.
J’ai ramassé des morceaux d’avions dans les champs, parce que moi, je... On vivait à la campagne.
Et puis, je peux vous raconter une anecdote aussi : Quand on avait des besoins à faire dans les champs, on avait du papier partout avec les tracts. Ah ouais. Des tracts, ils en balançaient des quantités. Alors, on s’essuyait avec des tracts. Il y en avait partout. Et ce que je n’ai jamais compris, en 1944 - parce que ça se passait à ce moment là, c’est là qu’ils en ont balancé le plus, d’ailleurs - les papiers, ils tenaient, des jours et des jours, sans se défaire. C’était du bon papier. Même avec des photos en couleur à l’époque. Ça arrivait, il y avait des photos couleur. On était au courant de tout de ce qui se passait pendant la guerre.
Quand le Bismarck allemand a été coulé, par les tracts, on avait une photo, on l’a su.
P.M. : C’étaient les Américains qui balançaient ça ou les Anglais ?
M.L. : Ah ouais, en plein jour. Parce qu’après, en 1944, il y avait eu beaucoup d’avions allemands qui volaient. Puis ils volaient à une altitude... attention. Ils étaient à perte de vue et moi, j’avais une très bonne vue à l’époque. Je ne sais pas, j’étais curieux, ça me plaisait de regarder ça. Ils balançaient également - Il n’y avait pas que des tracts - quelques fois, à l’avance du bombardement, ils balançaient des petites lamelles, métalliques pour brouiller les radars. Alors, c’était comme de la paille métallique, mais coupé en petites lamelles. Ils balançaient ; ça faisait des nuages, et ça brouillait les radars. C’est comme ça qu’on l’a su.
Alors, l’histoire des bombardements, je m’en rappelle, la première fois que les B17 sont arrivés à Saint-Nazaire, ils ne volaient pas hauts, on voyait l’étoile blanche sur les flancs.
Alors, il y en avait 19. Ils sont arrivés, ils étaient à 1000 mètres, peut-être. Et il y a un appareil qui a été abattu à la gare de Saint-André (N.D.L.R. : Saint-André-des-Eaux), environ. Je l’ai vu, je l’ai vu faire çà et tomber.
Alors, ils étaient 19, ils ont bombardé Saint-Nazaire, et quand ils sont revenus, il en manquait encore un ; ils étaient 17 après. Et ils sont partis, toujours, vers l’île Dumet, Piriac, c’était la route. Ils s’en sont allés.
Après, ils allaient plus haut, parce que la D.C.A., la « Flak » comme ils l’appelaient. Ils étaient presque à la limite de la visibilité. Bah oui, c’est normal. Parce qu’au début, ils étaient confiants dans leurs avions, qui étaient, soit disant, très bien isolés, très bien blindés, je ne sais pas comment ils appelaient ça ! Ils étaient tranquilles sur la force de leurs avions, de leurs appareils, mais la Flak aussi, alors, après, ils sont montés.
Les bombardements, la nuit, c’était des Anglais, puis la journée, c’était les Américains.
Il y a eu des histoires aussi, parce que, dans la ferme où je travaillais, à côté de Montpignac, un soir, c’était les Anglais donc, il y a un avion, il n’est pas allé jusqu’à Saint-Nazaire, il a tout lâché sa cargaison de bombes incendiaires, dans une châtaigneraie qu’il y avait là. Et puis il a fait demi-tour, parce que c’est arrivé, ça aussi. Tout le monde n’était pas courageux. Alors là, il était sûr de pouvoir recevoir un obus de la D.C.A. La châtaigneraie a brûlé. On a récupéré les bombes incendiaires. Je peux vous en parler aussi des bombes incendiaires. Elles sont comme ça avec un petit poids en fonte, hexagonale, à cinq côtés, on dit pentagonale. et puis alors, un corps, et puis - ce n’était pas dangereux ça, c’était un produit incendiaire, on le savait, ça n’explosait pas - on les faisait brûler nous-mêmes, quand elles n’étaient pas explosées.
Elles avaient un petit truc sur le côté, et quand elles tombaientt, c’est ce qui déclenchait. Vous avez entendu parler ça ?
P.M. : Non, non.
M.L. : On les connaissait ! On est obligés de connaître ça, parce qu’après... - Je vous raconte ça, ça va vous fatiguer peut-être ? - Ici, dans la ferme où je travaillais - parce que le patron, c’était un Résistant lui aussi, dans l’ombre, et il n’aimait pas les Allemands non plus - et un beau jour...
P.M. : Dans la grande ferme, ou Kermichel ?
M.L. : Non, non, ici, ici ! À Saint-Lyphard. Vous connaissez les Gicquiaud , qui vendent des plantes, ici ?
P.M. : Non.
M.L. : Vous ne les connaissez pas ?
Il y a une ferme qui est un peu plus loin, ça s’appelle Trécrelin, le village, il est pas loin. Il est à un kilomètre. À l’époque, ce n’était pas une route, c’était un chemin de traverse.
Il y avait deux types - c’est pendant l’empochage, attention, je précise pendant l’empochage - il y avait deux types, qui ont tiré sur deux motards allemands qui passaient sur la route de Saint-Nazaire à Saint-Lyphard. Hors, les deux motards - ils les ont loupés - ils ont tiré et les deux motards sont descendus et, pour la petite histoire, ils ont balancé les grenades sans les dégoupiller. On les a récupérés. C’est pour ça que je vous en parle. Alors où il y a la pépinière, Gicquiaud maintenant, le terrain appartenait à la ferme, il y a eu une grenade qui est tombée sur le terrain et nous, on l’a récupérée. Elle n’était pas dégoupillée. Ils étaient tellement affolés les Allemands qu’ils ont pris la grenade et l’ont balancé comme ça. Seulement, voilà, le soir, la ferme a été entourée, parce qu’ils sont arrivés - ils étaient peut-être, je ne sais pas, peut-être 200 soldats - ils sont arrivés de Saint-Nazaire, il y en avait partout et ils ont cerné la ferme et puis nous - alors moi j’étais le long du mur, les mains en l’air, les mitraillettes et les fusils braqués vers moi. Vous savez pourquoi ? C’est parce que ma sœur était couturière, elle utilisait des papiers, des calques bleus pour faire de la couture. Je lui en avais piqué et j’en avais dans mon lit, enfin à côté de mon lit, et ils ont trouvé ça. Comme je faisais des « graffouillis » (N.D.L.R. : gribouillis) dessus, ils ont cru que c’était des messages codés. Alors j’ai été interrogé par un officier qui parlait très bien français. Alors j’étais les bras en l’air, le long du mur. Il a fallu que je lui explique pourquoi. Il a réussi à comprendre. Il a réussi à admettre que j’avais raison. Alors, après, les fusils se sont baissés et ils ont interrogé tout le monde. Ils ont fouillé la maison. Je peux vous dire que s’ils avaient trouvé quelque chose dans la maison, on y passait tous. C’était sérieux, ils étaient au moins 200. Ils arrivaient ; tous les Allemands qui étaient autour : ils arrivaient et ils avaient encore de l’essence pour mettre dans les voitures et dans les motos. Ça ne rigolait pas. Ils ont fouillé la maison et nous, dans la maison, on avait tué un cochon. Sur la table, il y avait des pâtés. Ils n’ont rien pris ! Pas un pâté n’a disparu. Pas un morceau de lard, et ils n’avaient rien à manger. Ils crevaient de faim les Allemands pendant l’empochage. Je les ai vus manger des oignons crus. C’était la guerre peut-être, mais ils commençaient à vraiment tirer la langue. Ce sont des souvenirs. C’étaient nos ennemis d’accord, mais nous on attendait que la fin de la guerre. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus ceux qui étaient là ?
Ah si, je peux raconter ça aussi :
Après, dans la ferme, j’ai dirigé un groupe de 6 ou 7 Allemands, et c’était moi qui avait 15 ans, qui les dirigeait, qui les faisait travailler.
P.M. : Après la guerre ?
M.L. : Oui, comme je parlais allemand ! C’est pour ça que je le faisais.
Ça faisait drôle, parce que c’étaient des adultes commandés par un gamin ! J’avais beau faire un mètre quatre-vingts, parce que j’étais grand, mais j’étais quand même un gamin. Ils obéissaient ! Et puis moi qui ne les aimais pas, je ne me laissais pas faire !
Je vais vous raconter une anecdote : on avait fait des abris. Dans la ferme, on faisait des tranchées, et puis sur les tranchées - parce qu’on est un peu naïf - on avait mis des fagots. Évidemment, si le feu avait pris dedans, on aurait été grillé, mais, enfin on mettait des fagots pour se protéger des éclats d’obus. Il y avait une tranchée, alors après on était chargé, avec les Allemands - on avait deux bœufs et une charrette - et puis il fallait qu’ils prennent les fagots, puis qu’ils les mettent dans la charrette. Il y en a un qui a commencé à râler, ça ne lui plaisait pas. Alors il s’est révolté ! Alors là, j’ai piqué une colère, j’ai pris les bœufs, j’ai dit « maintenant chacun portera son fagot sur son dos », et ils l’ont fait comme les fourmis avec des œufs et ils sont partis, et ils ont fini.
Une autre anecdote aussi : ils étaient à table, une grande salle commune, nous, on mangeait à un bout, puis eux, ils étaient à l’autre bout. Devinez avec quoi ils étaient nourris ? Avec des poissons-chats et des pommes de terre. Tous les midis et les soirs c’était des poissons-chats avec des pommes de terre. Parce que le soir ils allaient dormir au « kommando » (N.D.L.R. : camp) à Saint-Lyphard. Ils venaient travailler dans la journée, ils ne dormaient pas à la ferme. Alors, le midi, ils étaient là, et puis il y en a un qui - alors moi, je comprenais très bien l’allemand - il y en a un qui dit comme ça : « c’est tous les jours la même chose, ils nous prennent pour des sauvages », enfin bref ! Alors je me suis levé, puis je leur ai parlé en allemand, j’ai dit puisque vous trouvez que la nourriture n’est pas bonne, j’ai pris toutes les assiettes, j’ai tout mis à la poubelle, et j’ai dit maintenant « Arbeit », au travail. ils sont partis travailler sans manger, et ils ont obéi. En plus, j’étais sans nouvelles de mon frère aîné. Je n’allais pas leur faire des cadeaux. Puis ça durerait plusieurs mois.
J’ai un souvenir, d’un des soldats allemands, que j’ai gardé. Il m’avait donné sa boîte de compas. Ils avaient du bon matériel en Allemagne. C’était une boîte noire avec des compas, des compas d’études comme on en avait à l’école.
Voila, ce sont des souvenirs.
Le débarquement de Normandie, on s’en rappelle. Je me souviens, quand on s’est réveillé le matin, on entendait le bombardement d’ici, de Normandie. Pendant un mois on entendait les roulements de canons. À la ferme où je travaillais, il y avait une T.S.F., et on était au courant de tout, on écoutait les messages de Londres. On était au courant de tout ce qui se passait.
P.M. : Et la Libération, vous l’avez vécu comment ? C’était la fête ?...
M.L. : À la Libération, je ne travaillais plus dans la ferme.
P.M. : Mais vous, en tant qu’individu, comment vous l’avez vécu ? Vous avez fait la fête ?...
M.L. : Oui, on a fait...
P.M. : Comment vous l’avez appris ?
M.L. : Bon, on a fait la fête, vous savez, on n’avais pas beaucoup d’argent, et puis il n’y avait pas grand-chose ! On vivait qu’avec ce qu’il y avait comme nourriture dans les fermes. On mangeait du cochon, surtout du cochon. Dans la ferme, ils fabriquaient le pain, c’était restreint.
Et puis non... Nous étions toujours inquiets. On a fait des recherches. Je suis allé à Saint-Nazaire après. J’ai visité Saint-Nazaire. J’ai vu les restes de la ville. C’est tout. Et puis après... Et bien si je suis retourné à la ferme. Après, je suis parti au collège technique. Ça, c’est une autre histoire.
J’ai fait deux ans de collège technique parce que moi je voulais apprendre... Vous savez, ce n’était pas ma tasse de thé d’être dans une ferme à diriger des bœufs, des vaches et des chevaux. J’avais autre chose dans la tête. Enfin bref...
Mais la guerre, c’est là que j’ai trouvé les jours les plus longs. C’était long. Les journées étaient très très très longues. Et puis on manquait de beaucoup de choses.
Dans la ferme, où je travaillais, on cultivait du tabac, on faisait de l’huile, de colza.
On faisait de l’abattage, on tuait des veaux, des vaches, des bœufs, des moutons... Il fallait voir le trafic qu’il y avait là-dedans ! Mais attention, ce n’était pas du marché noir ! C’était pour sauver, nourrir des gens. Ce n’était pas du marché noir ! Parce que mon patron n’était pas un trafiquant. Il faisait ça pour la bonne cause. On en a appris des choses ! Vous vous rendez compte : on cultivait du tabac, on faisait du tabac pour les gens qui fumaient. On cultivait du colza et on faisait de l’huile qui n’était pas tellement raffinée ! C’est même étonnant que l’on ne soient pas tous morts (rires).
C’était culotté des fois, parce qu’on était inconscients, on ne connaissait pas. Il n’y avait qu’un docteur, il n’y en avait pas 36. Enfin bref !
Mais ça me fait du bien de parler de ça, parce que ça me vide un peu. Surtout que mes souvenirs sont précis. Il y a des dates, je vais peut-être avoir un peu, des fois, un décalage, mais comme le commando de Saint-Nazaire, en novembre 42, je m’en souviens.
Tiens, ça me fait penser aussi, j’ai vu dans les marais de Kervy, deux soldats anglais qui s’en allaient, qui partaient, qui s’échappaient, et je les ai vu passer. Ils n’avaient ni casque, ni képi, ni calot, mais ils étaient bien habillés en soldats.
P.M. : Ça, c’était quand ? En 43, en 44 ?
M.L. : En mars 42... Je me rappelle de l’explosion du Campbeltown [8].
Par hasard, j’étais dans les marais de Kervy. On faisant la navette. Kervy, je connaissais comme ma poche. Il était midi moins dix environ. On avait l’heure allemande comme maintenant. On avait l’heure de l’Europe centrale, donc c’était la même heure que maintenant. J’ai entendu une explosion à Saint-Nazaire ; quelque chose de costaud, et j’ai appris après que c’était le Campbeltown qui avait explosé.
Je suis allé ; longtemps après ; voir la forme Joubert, où la porte avait explosée, où le Campbeltown était, avec un autre bateau d’ailleurs, il y avait deux bateaux dans la forme Joubert. Ça c’est un souvenir de la guerre.
Et puis les bombardements ; justement, novembre 42, c’est là que les apprentis de Saint-Nazaire ont été tués. C’est là que les B17 sont arrivés les premiers. Après, donc, il y avait les bombardements jusqu’en 43, mais le 28 février... - c’était 1943, je crois - que la ville... - non, on est... - que je ne raconte pas de bêtises - non, c’était en 43, le 28 février 43 que la ville a été détruite complètement, il me semble. Ce n’est pas ça ? Parce qu’en 42, il n’y avait pas tellement de bombardements sur Saint-Nazaire. Quand il y a eu le commando, on a été surpris, parce que le soir, il y avait des avions qui ont survolé Saint-Nazaire, ça nous a semblé bizarre, parce que ce n’était pas un bombardement, c’était un passage d’avions, et on savait bien que c’était des Anglais. Alors, on se posait des questions : « tiens ils ne bombardent pas, comme c’est curieux », et la D.C.A. qui leur tirait dessus.
Et dans la nuit, il y avait la pétarade. On a appris le lendemain, par la radio, justement, qu’il y avait le coup de main, l’opération Chariot. Mais c’est le lendemain qu’on l’a appris par la radio. C’est pour ça que c’était ambigu à l’époque. Les Anglais, ils avaient très peu d’avions. Où ça s’est amplifié, c’était en 43. La ville a été rasée. il y a des choses bizarres aussi à Saint-Nazaire, parce que la ville a été rasée à 85 % environ, mais curieusement, tout le long de la plage de Saint-Nazaire, là où il y avait tous les quartiers résidentiels, les maisons ont échappé au sinistre.
Mais ça s’explique aussi, je vais vous dire pourquoi, parce que le passage des avions, quand ils bombardaient, c’était le port, la base sous-marine et les chantiers. Donc ils ne passaient pas sur la plage. Ils passaient vers l’intérieur de la ville. Ce qui fait qu’il y avait un couloir, si on peut appeler ça comme ça, où ils balançaient les bombes, mais comme ils étaient très hauts, ça tombait un peu partout ! Et puis ils avaient bombardé la base sous-marine, où ils avaient des bombes de 2 tonnes, je crois ; des énormes bombes.
Il y a des histoires comme ça, mais c’est trop long à raconter.
Ils ont eu des problèmes les Allemands aussi à Saint-Nazaire.
Ah oui ! Parce que dans la base sous-marine, je connaissais des gens qui y travaillaient, des Français. Parce qu’ils y avait des Français qui travaillaient dans la base sous-marine. Ils me racontaient ce qui se passait et ce qu’ils avaient entendu, parce qu’il y avait des gens qui comprenaient l’Allemand, et ils racontaient.
P.M. : C’est impeccable, c’est bien.
M.L. : Je ne peux pas vous en raconter plus.
P.M. : Merci beaucoup.
M.L. : Ça tombe un peu quand même les souvenirs, 70 ans après.
P.M. : C’est normal.
M.L. : Mais comme j’étais curieux, je répète.
On était bête parce que quand il y avait des bombardements, on se mettait dehors, alors qu’il y avait des éclats. Des éclats d’obus, ça pleuvait.
P.M. : Et une photo de votre frère Jean, vous n’avez pas ?
M.L. : Jean ? C’est dans les archives. Il a navigué après la guerre dans la marine de commerce, puisqu’il était marin. Après, il a vécu au Havre pendant des années et il a connu une femme. Après, il est parti à Melun, je crois bien. Il est décédé à Melun d’un cancer.
P.M. : Vous avez mes coordonnées ?
M.L. : Non.
P.M. : Je vous les laisse.
M.L. : Oui, mais la guerre m’a beaucoup marqué, moi, parce que...
Qui vous a donné les renseignements ?
(P.M. donne sa carte de visite)
Il est où ce musée de la Résistance ?
P.M. : À Châteaubriant, où il y a les fusillés.
M.L. : C’est dans la ville ?
P.M. : Non, c’est à côté de la ville.
M.L. : Ah bon ? Il faudra que j’y aille.
P.M. : Là, il y a les cérémonies au mois d’octobre, le 19 octobre.
M.L. : Ah oui, c’est bon à savoir.
P.M. : C’est intéressant à voir, c’est joli.
M.L. : Évidemment, tout ce qui s’est passé dans la région, le marquis de Saffré... Ma femme avait un oncle qui vivait à Saffré. Le maquis de Saint-Marcel, on l’a visité aussi. Le Grand Blockhaus, je l’ai visité aussi, forcément.
P.M. : Il faut venir à Châteaubriant.
M.L. : Ah oui, ça, j’irai.
P.M. : Je vous enverrai une documentation.
M.L. : Ah oui, oui. Ah oui, ça m’intéresse.
Parce que, je le répète, ça m’a tellement marqué que, j’ai même fait cadeau au Blockhaus, à Batz, un gant qui me restait, un gant de sous-marinier allemand.
P.M. : Ils devaient être contents.
M.L. : Oui, mais il avait servi. Il y avait encore la date de fabrication dessus : 1941, à l’intérieur. Attendez, je peux vous raconter aussi. Après la guerre, j’étais très bien habillé, parce qu’il y avait des gens qui volaient dans les trains à La Baule. Nous, on connaissait des gens, et on m’a fait cadeau d’une veste d’officier aviateur Allemand, toute neuve, taillée chez un tailleur à Paris. On aurait dit qu’elle avait été faite pour moi.
Les Allemands, n’étaient pas habillés en vert-de-gris. C’était un genre de gris-bleu. Donc ça ne faisait pas militaire tellement. Mais c’était quand même une veste de militaire, de la poche (N.D.L.R. : poche de Saint-Nazaire). Je l’ai porté pendant trois ans, doublée en genre satinette. Elle était belle. Ils avaient enlevé les galons, tous les attributs militaires. Et puis, j’ai eu des chaussures de l’armée aussi.
Dans la ferme où je travaillais, il y avait des gens qui volaient dans les trains. Ils volaient des sacs de la marine allemande. Des sacs complets de vêtements. Ils venaient les vendre ici. Alors, c’est pour ça qu’on avait des gants. On a eu des trucs...
Les sous-mariniers allemands, ils avaient des sacs qui étaient haut comme ça. Alors les gants, c’était des gants de basane. C’était de la belle qualité. C’est beau.
Vous savez, ils s’en sont passé des choses, il y avait... un genre de marché noir. Alors les gens nous apportaient des vêtements pour de la nourriture.
P.M. : Un échange, quoi.
M.L. : Ah bah oui. J’étais bien content aussi. et tout ça, c’était sous le sceau du secret.
Mais moi, j’ai porté ma veste après la guerre. Attention, je ne l’ai pas porté parce que...
P.M. : On vous aurait vu, là (rires). Ils n’étaient pas cons non plus, hein.
M.L. : Non, mais je l’ai porté en 1945, 46. 47, je crois bien qu’en 47, je l’avais encore. Ah bah oui. On était habillés quelques fois comme ça. Ah ouais, ce sont des petits souvenirs qui remontent à la surface comme ça.
Mais le musée, j’irai le voir.
P.M. : Je vous enverrai l’invitation, pour l’inauguration.
M.L. : Il y a des choses dont je n’ai pas vu, mais je...
P.M. : Je vous enverrai pour le mois d’octobre.
M.L. : Mais c’est un bâtiment, c’est comment ?
P.M. : C’est une ancienne ferme, et puis il y a la Carrière des Fusillés, où ils ont été fusillés, qui était le champ de tir des Allemands.
M.L. : Parce que le maquis de Saint-Marcel, c’était maquis aussi. On apprend beaucoup de choses concernant la région. Moi, je suis toujours curieux de ce qui s’est passé.
Mon frère aîné - je reviens là-dessus - ce qui a accentué son truc, il a eu deux médailles de sauvetage. Il a eu sa première médaille de sauvetage à 14 ans. Sa deuxième de médaille de sauvetage, il l’a eu en septembre 39, il naviguait sur un paquebot qui a été coulé au large de l’Angleterre. Il savait que le paquebot s’appelait le Bretagne. Il venait de Fort-de-France, de Martinique, il arrivait en France, et il a sauvé des passagers du paquebot. C’était un paquebot mixte : passagers et marchandises. Il a eu sa deuxième médaille de sauvetage là.
P.M. : Total respect.
M.L. : C’était un dur à cuire.
P.M. : Mais d’après ce qu’on en a entendu parler, effectivement, ça doit être un dur à cuire.
M.L. : Mon frère Pierre, à la mairie de Saint-Lyphard ils pourraient vous donner des renseignements, parce qu’ils ont tout le dossier, concernant la fête quand... enfin, la cérémonie, qui a été faite après. Parce qu’il a une plaque maintenant au monument aux morts.
P.M. : C’est la moindre des choses.
M.L. : Voila.
P.M. : Merci bien monsieur Leguen.
M.L. : Je vous remercie.
P.M. : C’est nous !
M.L. : Je vais vous dire, franchement qu’il n’y a plus beaucoup de personnes à qui on peut parler de ça. Oui, de moins en moins. Parce que, bon, beaucoup sont décédés. Et puis les jeunes, ça ne les intéresse pas.
P.M. : Nous, on travaille pour que ça les intéresse.
M.L. : Il est évident que ce n’est pas un sujet de conversation. J’ai deux petits-fils, il ne faut pas non plus les accrocher avec ça. C’est la vie.
O.L. : Il y a un qui s’intéresse, parce que, aux cérémonies de Châteaubriant, on voit plein de jeunes qui participent au spectacle, qui font des évocations de ce qu’ils se passaient. Donc, il y en a quand même qui travaillent sur le sujet.
M.L. : Ils ne sont pas tous comme ça.
O.L. : Mais c’est vrai que c’est un travail de transmission aussi, qui est difficile à faire.
M.L. : Oui, mais il me semble - enfin, je ne sais pas si je me trompe - que c’est avec plusieurs années de retard, qu’il y a des jeunes qui maintenant voudraient savoir. Vous ne croyez pas que c’est comme ça ?
O.L. : Oui, c’est vrai.
M.L. : Aussitôt, la guerre, ça ne les intéressait pas. Maintenant, et c’est curieux, c’est une envie qu’ils ont de vouloir quand même connaître.
O.L. : Oui ? Ça s’explique un peu peut-être par le fait que, juste après, on avait envie d’effacer ces périodes difficiles, pour vivre. Et le réflexe là-dedans, c’est un peu d’essayé d’oublier. Et puis c’est qu’après, on essaye de...
M.L. : Je m’excuse, je vais encore parler de moi. Mais ici, à Saint-Lyphard, on a fait deux expositions sur la guerre 39-45, avec des défilés de matériel américains. Et à chaque fois, madame le maire m’a invité pour renseigner des gens qui posaient des questions, justement sur ce qu’il s’était passé pendant la guerre, pendant l’empochage. Il y avait des gens qui avaient une tranchée anti-chars qui avait été fabriquée, alors que c’était... Alors, il y a des gens qui posaient des questions quand même. Ah oui !
P.M. : On en apprend toujours.
M.L. : Parce que la tranchée anti-chars, elle était faite avant le bourg de Saint-Lyphard. Donc, ils étaient empochés, mais ils avaient fait, quand même, une tranchée en cas d’attaque. Et il y avait justement à côté de... sur la route de Saint-Nazaire, il y avait un canon de 88 qui était braqué sur la route. Où ils n’avaient pas, finalement, démolis la route. Un beau canon, c’est-à-dire tout neuf. Il était beau, un canon modèle 88, là, allemand.
P.M. : Il fallait le garder, on l’aurait emmené (rires).
M.L. : Ce sont les autres qui l’ont pris.
Mon frère Jean, justement, là, au fait, il est allé dans l’armée française, après. Il y avait un camp à Saint-Brévin-les-Pins. Il avait l’uniforme. Il était dans l’armée française.
P.M. (s’adressant à madame Leguen)  : C’est ce que je disais à votre mari. Si vous avez des photos de cette époque-là, et en plus de son frère Jean, ça peut m’intéresser d’en avoir une. Dans les archives, on sait jamais.
M.L. : Je ne sais pas pourquoi il était dans l’armée.
P.M. : Même de son frère qui était déporté.
M.L. : Je ne sais pas pourquoi il était dans l’armée. Il ne s’était pas engagé.
Paulette Leguen : Il a tout un truc là-dessus.
P.M. : Ça peut nous intéresser, ça.
P.L. : Marcel, il dit que de ton frère Pierre, qui a été tué en déportation, il a dit que ça peut l’intéresser.
M.L. : Oui, mais on parle de mon frère Jean, là.
P.L. : Oui. Mais aussi, des deux frères.
M.L. : Jean, c’est lui qui a été dans l’armée, après.
P.L. : Il y avait ma belle-mère, il y avait sa sœur, il y avait tout ça. Je ne sais pas ce qu’ils en ont fait de tout ça...
P.M. : On ne sait jamais, au cours d’une réunion de famille, etc. Même pour les archives et tout ça, pour les jeunes, c’est inintéressant. Si vous avez des choses...
P.L. : De Pierre, il en a beaucoup.
M.L. : Mais, pour la petite histoire, ça me rappelle un mauvais souvenir.
Il était à Saint-Brévin, je suis allé le voir là-bas. On pouvait dormir et manger avec les soldats. Chaque soldat français touchait un paquet de cigarettes par jour. Un paquet de cigarettes par jour, de troupes. Et moi, il me donnait des paquets de cigarettes, parce qu’il y en avait qui ne fumaient pas et c’est comme ça que j’ai appris à fumer.
P.L. : Ah voilà ! Heureusement qu’il a arrêté !
M.L. : Je donnais des cigarettes, puis il me dit « toi tu ne fumes pas ? ». Il faut faire le fier et j’ai fumé aussi. C’est comme ça que j’ai appris à fumer. Alors ça, c’est pour la petite histoire.
C’était la fin de la guerre. Mon frère est resté dans l’armée française peut-être un an encore. Et après, il est rentré dans la vie civile, après dans la marine civile, enfin, la marine de commerce.
P.L. : Tu as pas de photos de Jean ?
M.L. : Ah non.
P.L. : À part de Pierre, parce qu’il lui a mis un truc au monument au mort.
P.M. : Oui, c’est ce qu’il nous a expliqué. Si vous avez des documents comme ça, c’est important pour nous, pour nos recherches et tout.
P.L. : Il dit que c’est très important pour Pierre, tous les documents et tout.
M.L. : Les documents de mon frère, ils sont à la mairie.
P.M. : Ah, mais c’est bien.
M.L. : Vous voulez les voir ? Il faudrait que je les recherche.
P.M. : Oui. Vous avez donné les originaux à la mairie ?
M.L. : Vous me donnez votre adresse. Je peux écrire, envoyer un courrier ?
P.M. : Oui, c’est chez moi, là. Je ferai des photocopies.
M.L. : Je ferai des photocopies de ce que j’ai.
P.M. : Oui, et s’il y a quelque chose qui m’intéresse, vraiment, je peux me déplacer, scanner de manière informatique, ou voir...
M.L. : Vous savez, les photocopies... Enfin, ce n’est pas ça, ce n’est pas les photocopies, je veux dire, mais... Mon frère Pierre, je pourrais dire que ce qui a été mis en évidence dans la cérémonie, parce que tout le reste, c’est mon beau-frère qui a tout pris. Il a pris les médailles de... Il a tout, mon beau-frère, celui qui était marié avec ma sœur, il a tout accaparé. Tout est parti !
P.M. : Il a peut-être donné aux archives.
M.L. : Parce que mon frère aîné avait fait un engagement de 4 ans sur le croiseur Georges Leygues. Un beau cuirassé... Pardon, pas un cuirassé, un croiseur, qui avait été fabriqué à Saint-Nazaire.
Il était engagé, il était donc de la marine militaire. Et après, il était dans la marine de commerce. C’était son métier.
Je n’ai pas grand-chose sur lui. Parce qu’il a travaillé dans les entreprises du bâtiment à Saint-Nazaire.
P.M. : Mais sur cette époque-là, si vous tombez sur des documents, moi, je suis preneur.
P.L. : Ah oui, d’accord. Oui.
P.M. : Je peux me déplacer.
M.L. : Elle l’a connu.
P.M. : On va aller voir à Kermichel.
P.L. : Ah oui, ça a dû être modernisé...
[Brouhaha]
J’avais une cousine dans le temps : Mauricette Busson. Vous la connaissez ?
P.M. : Ce n’est pas de la famille à Joël Busson ?
P.L. : Oui, c’est sa mère.
P.M. : Ah bah voilà. Joël Busson est le président du Comité du Souvenir.
P.L. : Oui, je sais, oui, oui. Je le connais.
P.M. : Je le vois samedi.
P.L. : Sa mère, nos grand-mères, étaient sœurs. Mauricette, je sais qu’elle s’occupait énormément de trucs de déportés.
P.M. : Donc je lui parlerais de vous, donc ?
P.L. : Oui, si vous voulez, vous lui dites une cousine à votre mère, Paulette Leguen. Il va se rappeler j’espère.
[...]
(Indications de la route par M.L. pour aller à Kermichel)
[...]
M.L. : Et à... C’est une petite allée. C’est carrossable, on peut aller en voiture. Ça fait environ 300 mètres. Et vous arrivez dans une maison. Maintenant, c’est une maison !
[...]
(Indications par M.P. sur la prochaine cérémonie à Châteaubriant)
[...]
M.L. : Mais là, vous faites une enquête... Il n’y a pas que sur de Neyman, alors ?
P.M. : Disons que moi, si... On fait une exposition sur la Libération. Il se trouve que Jean de Neyman, c’est le dernier à être fusillé en Loire-Inférieure. J’ai pris en charge, dans le groupe, de m’occuper de Jean de Neyman, parce que je connais la nièce de Jean de Neyman, qui m’a passé des affaires. Donc, j’essaye de retrouver sa trace, parce qu’il n’y a rien d’écrit sur lui. À part le Parti communiste, qui a fait un tout petit livret à la sortie de la guerre, mais sinon, il n’y a rien de lui d’écrit sur lui. Donc, j’essaye de remettre un peu sa mémoire au goût du jour. Par contre, je m’occupe de la Libération, tout ce qui est en rapport.
M.L. : L’histoire de Jean de Neyman, à Saint-Nazaire, je ne crois pas qu’ils soient au courant de tout ce qui s’est passé. Parce que, l’histoire des Allemands, qu’ils étaient réfugiés ici, je ne sais même pas s’ils le savent.
P.M. : Si. J’ai le prénom d’un, c’est Gerhardt, mais l’autre, je ne sais pas. Celui qui s’est échappé, je ne sais pas. Celui qui s’est fait torturer, puis qui a avoué, c’est Gerhardt.
M.L. : Et ça, ils le savent ?
P.M. : Oui.
M.L. : D’accord. Il a été torturé, bien sûr !
P.L. : À Saint-Nazaire, ils ont fait des lycées neufs, mais cela ne s’appelle plus Jean de Neyman maintenant.
P.M. : Ils lui ont peut-être donné le nom de l’avenue qui va à la stèle Jean de Neyman. C’est en discussion avec Comité du Souvenir, Joël Busson notamment.
On a dû se voir aux cérémonies, si vous y allez à Heinlex.
P.L. : Marcel, il va.
P.M. : Je suis le photographe.
P.L. : À d’accord.
M.L. : Ce que nous savons, sur de Neyman, c’est qu’il a été fusillé sur un brancard.
P.M. : Ah, ça, je ne le savais pas.
M.L. : Il paraît qu’il a été tué sur un brancard. Et c’est à l’endroit où il y a la stèle, d’ailleurs, qui a été montée.
P.M. : Il a été tué sur un brancard, comment ça ? Il n’a pas été torturé.
M.L. : Il n’a pas été torturé ? Moi on m’a dit qu’ils lui avaient cassé les bras et les jambes.
P.M. : Je ne vois pas... Je vais me renseigner.
M.L. : Moi, c’est ce qu’on m’a dit. Ce n’est pas moi qui l’affirme.
P.M. : Ça paraît difficile dans la mesure où il a écrit sa dernière lettre le jour même de sa fusillade.
M.L. : Parce qu’il a tout pris sur lui.
P.M. : Oui.
M.L. : D’accord. Mais, j’ai entendu dire qu’il a été torturé.
P.M. : Et bien non. En plus, dans sa lettre, il a dit qu’il n’a pas été torturé.
M.L. : Vous me l’apprenez.
P.M. : Même le livre dit qu’il n’a pas été torturé.
Ça, c’est la copie de sa dernière lettre. Une photocopie.
M.L. : Il a fait une lettre ?
P.M. : Juste avant de mourir. Donc les bras cassés, ça paraît difficile... Le 2 septembre 1944. C’est une photocopie, ça.
P.L. : Cette année, il n’a pas pu y aller chez mon mari, mais habituellement, il y va, à Heinlex.
P.M. : Donc les bras cassés, ça me paraît difficile. Il y en a beaucoup qui disent qu’il a été torturé alors qu’il n’a jamais été torturé. Il dit d’ailleurs qu’il a été très bien traité.
P.L. : Ah bon ?
M.L. : Parce qu’ils savaient de toute façon qu’il allait mourir.
P.M. : Ce n’est pas probant. Ce n’est pas possible ; il avait avoué tout.
P.L. : C’est bien, ça doit d’avoir ces feuilles là.
P.M. : Oui, c’est sa famille, sa nièce, qui m’a envoyé tout ça. Alors je fais des recherches.
M.L. : Il a de la famille ?
P.M. : Oui, il a encore une nièce. Il avait son frère André, qui faisait de la Résistance aussi. Et il reste donc ses enfants, sa nièce, donc à Jean de Neyman et les enfants à André qui sont donc Dominique de Neyman et Jean-Loup de Neyman. Et avec qui je suis en relation. On travaille ensemble. J’envoie mes recherches et puis eux m’envoient ce qu’ils ont.
M.L. : Il y a beaucoup de choses que j’ignore aussi. La preuve est que j’en apprends maintenant.
P.L. : C’était un gamin quand même.
M.L. : On m’a toujours dit qu’il avait été torturé.
P.M. : Non, c’est archi faux. J’ai la preuve, comme quoi il était bien traité. Parce qu’il parlait allemand. Il l’écrit dans sa lettre. D’avoir pris tout sur lui...
M.L. : Au fait, il était professeur de philosophie ou quoi ?
P.M. : Non, physique. Physique-chimie à La Baule, au lycée privé, parce qu’il a été révoqué du fait qu’il était d’origine polonaise. Il a été révoqué du national, entre guillemets, Vichy.
M.L. : De toute façon, si par exemple j’avais eu quelques cours avec lui, ça n’aurait pas été grand-chose. Parce qu’on n’avait pas le papier pour écrire, on n’avait pas de crayon. Finalement, ça aurait été très compliqué. Je ne pense pas que... Et puis, on ne pouvait pas faire des cours et continuer.
Ce n’est pas parce qu’on a un examen par ci ou un examen par là. Je ne pense pas que ça aurait été profitable pour moi.
P.M. : On ne saura pas.
Je vous remercie beaucoup de votre accueil.
M.L. : Grâce à vous, j’ai appris des choses.
P.M. : Je vous tiens d’un coup, de toute façon. Je vous envoie les informations sur le 20 octobre, sur les cérémonies de Châteaubriant.
P.L. : Oui, si on peut y aller. Bien sûr.
M.L. : Ah, Gergaud, mon cousin. Je n’ai pas su comment ils ont pu rentrer en contact. C’est bizarre ça. Je ne sais pas où ils dormaient. Ils ne couchaient pas chez Gergaud. Ils avaient leur P.C. (N.D.L.R. : Poste de commandement) là.
P.M. : Il devait être à la ferme de Kerjean.
M.L. : Ah, c’est peut-être possible.
P.M. : C’est juste à côté.
M.L. : Je n’ai même pas entendu parler de Kerjean.
P.M. : C’est sur le site de la mairie de Saint-Molf que j’ai appris ça.
M.L. : Attendez, à Kerjean, il ne s’appelait pas [de Champs-Savard] ?
P.M. : J’attends des nouvelles de la mairie de Saint-Molf.
M.L. : Parce qu’il y avait un monsieur qui s’appelait [de Champs-Savard], qui est à La Champagne. Je ne sais pas.
P.M. : Je vais noter son nom [de Champs-Savard].
M.L. : Je ne sais pas si il faisait partie de l’équipe. Faut pas prendre ça pour...
P.M. : Non, je note...
M.L. : Je sais qu’il était bien avec mon cousin. [De Champs-Savard]. Bien entendu, il y avait un nom de noble (rires).
P.M. : Comment ça s’écrit ?
M.L. : Je ne sais pas comment ça s’écrit.
Attention, attention. Il faut être prudent là.
O.L. : Ça permet de poser des questions. Ça permet d’aller chercher un peu plus loin. D’en savoir un peu plus.
M.L. : À La Champagne. Et maintenant, il est peut-être mort ce monsieur.
P.M. : On va chercher.
Si jamais je tombe dessus, puis je dirais...
P.L. : Ça vous occupe.
O.L. : Ah oui, il y a de quoi faire.
M.L. : Mais je vois bien... 70 ans après...
[...]
(Discussion sur la mémoire)
[...]
M.L. : J’ai même un morceau d’obus allemand ici, que j’ai récupéré en Brière.
P.M. : Vous avez des objets, vous voyez. Vous l’avez le morceau ?
M.L. : Oui, je vais vous faire voir.
[...]
(P.M. est sorti à la rencontre de M.L.)
[...]
Et j’ai trouver ça, en Brière, sur une butte de terre. Ce n’est pas ça, non plus. Alors, au calme...
[...]
À un moment, j’avais un couteau de commando allemand.
[...]
Ah, si, j’ai un masque à gaz tout neuf. Il était neuf. Un masque à gaz allemand. D’où il vient, c’est un mystère.
[...]
(Emballage du matériel vidéo par O.L.)

Pdf :

Indexations

  • Personnes citées  : Joël BUSSON, Mauricette BUSSON, LEGUEN Marcel, LEGUEN Pierre, LEGUEN Jean, LEGUEN Paulette, DE NEYMAN Jean, Gerhardt (ou GERHARDT), GERGAUD Joseph, CABASSON.
  • Département, villes et lieux-dits cités (en rapport ou non avec la seconde guerre mondiale)  : Angleterre, Batz-sur-Mer, Brière, Châteaubriant, Fort-de-France, Guenrouët [9], [Kerio1], Kermichel (aussi Ker Michel), Kerjean (aussi Ker Jean), Kervy, l’île Dumet, La Baule [10], La Bernerie, Le Havre, Le Binguet, Loire-Inférieure, Mauthausen, Martinique, Montoir-de-Bretagne, Melun, Montpignac, Neuengamme-Wilhelmshaven, rue du Maine, rue du Bois Savary, Saint-Lyphard [11], Saint-Molf, Saint-Nazaire, Trécrelin.

Dans la même rubrique