Collectif Jean de Neyman
La Résistance en mémoire

Site de recherches sur la vie de Jean de Neyman, Résistant, fusillé le 2 septembre 1944 à Saint-Nazaire (Heinlex) en Loire-Inférieure (Loire-Atlantique aujourd’hui) - France.

Ses convictions
Article mis en ligne le 21 mai 2024

par Patrice

Arrivé en 1934 comme tout jeune étudiant à la faculté de Strasbourg, Jean de NEYMAN va s’engager politiquement dans différents groupes ou comités d’obédience communiste.
Jean de NEYMAN est communiste, militant de la section de Strasbourg du « Groupe communiste de langue française », membre du « Syndicat Unitaire de l’Enseignement » et membre du « Front Universitaire Antifasciste [1] ». Il sera par ailleurs imprimeur-gérant du Prolo de la Bruche.


 
 
 
 

Au Parti communiste et antifasciste

Affiche antifasciste de 1933
Déjà en 1933 les étudiants s’organisent. Jean y participera dès 1934 !
Archives départementales du Bas-Rhin, 98AL68

Il s’inscrit au Parti communiste dès 1934 et dans les mouvements antifascistes [2]. Il devient membre de la cellule de langue française du P.C. de Strasbourg. Les habitants de la région parlent alsaciens sauf dans la vallée de la Bruche où l’on parle français. Avec ses camarades, Jean rédige « Le prolo de la Bruche ».

« Chaque dimanche, il part à vélo pour les vendre. De porte à porte, il fait de la propagande. Il ne rentre que tard le soir, sa lampe électrique sur son vélo [3] ».

Au début de l’année scolaire 1938-1939 est créée une Union des étudiants communistes de France (U.E.C.), organisation autonome, affiliée à la Fédération des jeunesses communistes.
La jeune organisation tint sa première conférence nationale constitutive les 1er et 2 avril 1939.
Des sections existent dans les principales villes universitaires, dont Strasbourg. Jean y aura des responsabilités [4].
Il sera suivi par la police comme tous les communistes.

Rapport de la Sureté du Bas-Rhin
sur Jean de NEYMAN
© Archives Nationales - Fonds de Moscou, 19940454

Transcription du rapport de la Sureté du Bas-Rhin

REPUBLIQUE FRANCAISE

PREFECTURE DU BAS-RHIN

STRASBOURG LE 4 NOVEMBRE 1938

Cabinet

N° 1169.

LE PREFET DU DEPARTEMENT DU BAS-RHIN A MONSIEUR LE VICE.PRESIDENT DU CONSEIL (Direction Générale des Services d’Alsace et de Lorraine)
- CABINET -

Il m’est signalé que le nommé NEYMANN alias NEYMAN, Jean, Casimir, né le 2 Août 1914 à Paris, d’origine polonaise, Français en vertu de l’article 4 de la loi du 1er août 1927, aurait été nommé récemment professeur au Lycée ST ETIENNE (Loire).
NEYMANN, quia été récemment admis au concours d’agrégation, était domicilié 50, rue St-Urbain à Strasbourg-Neudorf.
Il a quitté Strasbourg le 10 août derfnier pour se rendre à Paris, 15, rue du Bac où habitent ses parents. Sa femme, née VOGEL, d’origine roumaine, condamnée en mars 1935 en Allemagne à 20 mois de prison pour propagande communiste, habite également à la même adresse. Elle serait candidate à un poste de directrice de Jardin d’Enfants.
Militant de la section de STRASBOURG du Groupe communiste ! de langue française, membre du Syndicat
Unitaire de 1’Enseignement et du "Front Universitaire Antifasciste" NEYMANN est l’homme de confiance du "Komintern [5]", à qui il est susceptible de fournir des rapports confidentiels sur la situation politique en France. On suppose même qu’il est chargé de missions secrètes d’ordre militaire. Toutefois, l’informateur n’a pu préciser s’il s’agit de questions intéressant directement notre Défense Nationale ou simplement l’oganisation de la propagande anti-militariste.
J’ai tenu à vous informer aux fin que vous jugerez utiles.

Le Préfet du Bas-Rhin :
signé : VIGUIÉ

Télécharger la transcription (Pdf).

Le Syndicat Unitaire de l’Enseignement

Le Syndicat Unitaire de l’Enseignement est un syndicat affilié à la Fédération de l’Enseignement C.G.T.U. dont les membres sont plutôt instituteurs et institutrices mais on y retrouve des élèves des Écoles Normales d’Instituteurs et des professeurs de lycées et de l’Enseignement Supérieur créé en 1921 suite à la refondation du Syndicat de l’Enseignement Laïc. Tous ses membres sont adhérents ou militants très actifs au sein du Parti Communiste. Le syndicat se décline en différentes antennes par département, Jean faisant partie de l’antenne de Strasbourg. Leur mot d’ordre : « constituer un large front de lutte, premier pas vers la réalisation de l’unité syndicale et de classe ; lutter contre la répression administrative et pour la défense des droits, des traitements et droits acquis » .

« Les Semailles », revue du Syndicat Unitaire de l'Enseignement de la Seine 1932
Les Semailles
Revue du Syndicat Unitaire de l’Enseignement de la Seine 1932
© Archives Nationales, 200010216/43

Jean est étudiant et n’a aucune raison objective de faire partie de ce syndicat. Sa future épouse, Natalie VOGEL, militante communiste et institutrice a elle plus de raisons d’en faire partie, ce qui expliquerait l’adhésion de Jean à ce syndicat.

Le Front Universitaire Antifasciste

Fondé au début de 1934, le F.U.A. regroupe en mai 1935 une soixantaine d’étudiants d’opinion politiques diverses de gauche (socialistes, communistes, démocrates-chrétiens et pacifistes sans parti). Les dirigeants sont des militants communistes : Marcel DREYFUS [6], David ROSENFELD [7], Paul BAUMGARTNER [8], Roger WEIL [9], Maurice-Benjamin KRIEGEL [10], Raymond LEVY [11]. On y retrouve également Szaja KAGAN et Max GEBUHRER [12] distributeurs de tracts patentés.
Ils se réunissent au restaurant de La Cloche à Strasbourg et y tiennent une permanence tous les jeudis, diffusent de nombreux tracts et appellent à une grève générale en avril 1935 pour protester contre le service militaire proposé à deux ans et contre la course aux armements.

Tract antifasciste
Tract antifasciste
(copie)
© Archives Départementales d’Alsace, 98AL687

Transcription du tract

COPIE
VIVE LA GREVE de TOUS les ETUDIANTS

Contre le Service de 2 ans.

Le vendredi 5 et samedi 6 avril 1935, les étudiants de toutes les Facultés de Strasbourg seront en grève générale.

L’amicale de Médecine et l’A.F.G.1, à la remorque des organisations fascistes et réactionnaires de Paris, placent gréve sous le signe de le xénophobie.

Mais les étudiants strasbourgeois, fidèles aux traditions libérales de l’Université de France, ne se laissent pas infecter par un esprit étroit de chauvinisme haineux. Au moment où notre génération ost menacée d’être anéantie par la guerre, rendue désormais inévitable par la course aux armements,

la jeunesse universitaire comprend qu’elle doit marquer per un acte énergique se haine du chauvinisme et son horreur de la guerre.

Le Front Universitaire Anti-fasciste, qui avait déjà dans un tract récent invité les étudiants à préparer la grève, tenant compte de la réprobation unanime qu’a soulevée à L’Université l’introduction du service militaire de deux ans, proclame, pour le vendredi 5 et le samedi 6 avril 1935.

La grève Générale des étudiants de Strasbourg

Contre le Service de deux ans

Contre la course aux armements

Contre 1e Chauvinisme

CONTRE LA GUERRE
==================

Etudiants, par la grève générale, appuyer la manifestation populaire [monstre] contre les deux ans qui aura lieu le dimanche 7 avril à Paris ; soyez solidaires du peuple de France en lutte contre la guerre.

Le Front Universitaire
antifasciste de Strasbourg

Télécharger la transcription (Pdf).

À partir de mai 1935, ils sont inculpés par un juge d’instruction de provocation de militaires à la désobéissance et de propagande antinationale. Cette instruction va donner lieu à des propositions d’expulsions soit hors du département du Bas-Rhin, soit pour les étudiants étrangers une proposition d’expulsion de France. Ce sera le cas pour un certain nombre de ses membres : Ernest CERNIK, Jacques KRONENBERG, Jean RAISCHUCK, Szandla TENNENBAUM, Szaja KAGAN, Max GEBUHRER et Adalbert KOROSI dit Albert pour qui un arrêté d’expulsion est prononcé à leur encontre. Un non-lieu en décembre 1935 va surseoir aux expulsions. Les activités du Front Universitaire Antifasciste cessent en mai 1935.

Rapports sur les antifascistes à Strasbourg
1935 - 1936
© Archives du Bas-Rhin, 98AL68

Communisme, en savoir plus

À propos des archives de l’histoire du communisme alsacien
« La rareté relative des sources pose cependant problème pour aborder l’histoire du communisme alsacien naissant. Il apparaît en effet que les archives du P.C.F. dans le Bas-Rhin, ainsi que du mouvement communiste dans son ensemble (C.G.T-C.G.T.U., Secours rouge, etc.), de sa création jusqu’à la Libération du département – c’est-à-dire à la fin du mois de novembre 1944 – sont quasiment inexistantes. Il semble que l’interdiction des organisations communistes par le gouvernement français en septembre 1939 et surtout l’annexion de force de l’Alsace-Moselle par les nazis aient eu raison de ces documents, qui ont probablement été détruits ou cachés par les militants eux-mêmes pour éviter qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains. Peut-être ont-elles également été détruites par les nazis, comme ils l’ont fait pour les documents de la social-démocratie allemande. » 
 
Source : Krieger, Pierre. « L’implantation de la S.F.I.C. dans le Bas-Rhin de 1920 à 1929 ». Empreintes rouges, édité par Dimitri Manessis et Guillaume Roubaud-Quashie, Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.171927.

  • MOLINER Olivier. Mars 2011. Les communistes français et la promotion des langues régionales dans la période avant et après la Seconde Guerre mondiale , publication en ligne, Pdf généré (22 pages), Arborescences - Revue d’études françaises.